Ma Ville

Je suis parfois prise de grandes bouffées d'amour pour Paris.... ma Ville.
Il y a chez moi, en Bretagne, et puis il y a cette ville si belle où je vis depuis 23 ans et qui m'émeut encore, et pour toujours je crois.

L'autre soir je rentrais en taxi d'une soirée pince-fesses comme j'en subis régulièrement par la grâce de mon boulot (en même temps, je ne vais pas me plaindre, je ne suis pas au fond d'une mine à pousser des wagonnets...). C'était à la Maison de la Radio, et pendant que quelques centaines de personnes se marchaient dessus pour accéder à un buffet de 150 mètres de long, je regardais extasiée par l'immense baie vitrée la Tour Eiffel qui scintillait. Je ne m'en lasse pas. Et dans le taxi que j'attrapais peu de temps après (juste le temps de faire acte de présence avant de me sauver, comme à mon habitude, de ce genre de manifestation que je déteste), je me dévissais le cou pour l'admirer encore et encore !

Je garde un souvenir magnifique de ce nouvel an chinois 2004, ouverture de l'année de la Chine en France, où pendant quelques jours, la Tour Eiffel avait été éclairée de rouge la nuit. J'y avais emmené deux de mes neveux en visite chez moi (l'un d'entre eux est fondu de la Chine depuis tout petit et apprend le chinois depuis l'âge de 12 ans), et si aucune photo n'a pu rendre cette magie, je garde le souvenir de leur émerveillement - et du mien - alors que nous étions allée l'admirer au plus près.

J'aime Paris, je n'en profite pas assez, pas autant que quand j'étais étudiante; cette ville me lasse, m'agace, m'excède parfois, mais quand j'y reviens après une absence, je suis toujours heureuse de la retrouver. Et elle continue à me séduire chaque fois que je parcours le long de la Seine, de nuit, Orsay, la Concorde éclairée, la Conciergerie, le Pont Neuf.... comme un décor de rêve jamais épuisé.

Premier souvenir de Bécassine ayant débarqué un jour avec des étoiles plein les yeux dans la Ville Lumière.... le métro. Première effluve perçue, premier son capté, jamais oubliés. Aujourd'hui encore j'aime le métro. Infiniment. C'est le seul endroit où je me suis retrouvée, repérée lors de mes premières années parisiennes. En surface, j'étais complètement paumée. Et puis, je ne sais pas, j'ai beau entendre une quantité incroyable de gens s'en plaindre sans fin, c'est un monde en soi, un lieu de vie parisien incroyable. J'aime y côtoyer toutes sortes de gens, ces milliers d'histoires qui s'entrecroisent, qu'on imagine, au détour d'un rire, d'un regard dans le vague, de pleurs parfois. J'aime la musique qui m'accueille au détour d'un couloir, que je perds dans ma hâte, avec un peu de regret chaque fois : les petits guitaristes manouches du changement à République chaque matin, que je suis toujours trop pressée pour écouter vraiment, mais qui laissent dans ma tête des notes jazzy pour quelques heures. Cette femme du soir au même endroit, qui chante a capella avec une voix d'ange, armée d'un simple diapason qu'elle porte parfois à son oreille. Et le marionnettiste qui fait jouer du piano à un drôle de gribouille. Et le saxophoniste vibrant imperturbable au milieu de la foule pressée. Et les quinze ou vingt violonistes de Châtelet dont les accords résonnent sur tous les quais alentours. Et mon petit vieil homme vouté au regard doux dont je connais les quelques refuges habituels et qui serre ma main avec un sourire quand je glisse un ticket restau dans la sienne. Un jour peut-être j'oserai lui demander son nom.

Le métro, j'y bouquine, j'y finis ma nuit, j'y rêvasse, j'y ai pleuré parfois (dans ces cas-là, personne ne vous regarde, c'est mieux, mais quelqu'un m'y a tendu un mouchoir une fois), je m'y tiens au courant des derniers spectacles ou expos, grâce aux affiches qui jalonnent les couloirs. On peut y manger, y acheter des babioles, des journaux de filles, et même des fruits, bien que je ne m'y sois jamais risquée....

Il y a des stations que je trouve super-belles : le décor cuivré à hublots, façon Nautilus, de Arts et Métiers (ligne 11 seulement), les reproductions égyptiennes ou du Moyen-Age de la station Louvre, ou celles de Varenne où l'on croise un gigantesque penseur de Rodin. Les fresques textes et photos de Tuileries, retraçant les décennies passées depuis la création du métro : une Joséphine Baker géante avec sa ceinture de bananes qui vous fait de l'oeil d'un côté, Coluche un peu plus loin, et même ma Bécassine !....

Je suis peut-être bon public, mais je ne boude pas mon plaisir. Et il est réel... Et je le prends tous les jours, plusieurs fois par jour, juré.... Et même parfois tard, très tard. Le métro que je préfère c'est peut-être le dernier, celui de minuit quarante-cinq ou cinquante, qu'on course dans les couloirs et sur les quais, nombreux, complices, victorieux quand on arrive à sauter dans la rame pendant la sonnerie, presque happés par les portes qui se referment. Il est parfois un peu fatigué, ce métro-là, mais il est encore tôt.... Le métro étrange c'est le premier, celui de cinq heures du matin, plus rare pour moi, où se croisent ceux qui se lèvent et ceux qui s'apprêtent à se coucher, épuisés, abimés parfois, ou trop gais, ou violents, ou à bout de forces après des heures dans le froid, réfugiés là, enfin....

Un monde.....

Commentaires

1. Le jeudi 8 décembre 2005, 00:36 par serge

Un Monde... Qui paraît sans âme...
Je n'ai pas vu tout ce que tu décris, mais j'aime le métro, c'est ma montagne russe, mon grand huit à plat quand je "monte" dans la capitale. Il y a parfois un petit sac à dos qui courre se jeter tout rouge dans la rame pour animer un peu au milieu des visages figés. Les mêmes que ceux des bus humains de la Province. Les mêmes... du même Monde...
Oh ! Oui! Dis nous comment s'appelle le regard si doux !

2. Le jeudi 8 décembre 2005, 02:13 par labosonic

Tout pareil, merci d'avoir écrit ce texte pour moi.

3. Le jeudi 8 décembre 2005, 07:18 par obni

Ce billet est très beau. Il est chargé d'amour en partage. Aimer le métro, c'est aimer les gens et les instants anonymes de chaleur partagée. Ce que j'aime aussi dans le métro, c'est le jeu des miroirs… on ne sait jamais qui regarde qui… c'est parfois délicieusement sensuel.

4. Le jeudi 8 décembre 2005, 09:17 par Vroumette

Et alors Traou, tes pas ne t'ont pas porté jusqu'au Paris Carnet hier soir !!! J'ai abordé toutes les femmes de la soirée pour en leur demandant "vous êtes Traou ?" (j'ai eu l'air fine une fois de plus !).
J'aime aussi le métro, surtout les lignes aériennes, regarder les petites fourmis se presser, la vie dans les appartements. Par contre, auatant être honnête, j'aime les transports aux heures creuses, car moins fan du frotti frotta.

5. Le jeudi 8 décembre 2005, 10:52 par alice

Quel beau texte, encore une fois! Dis, tu ne pars pas trop longtemps en vacances?

6. Le jeudi 8 décembre 2005, 13:22 par coumarine

Il y a toute une atmosphère dans tes mots...
Il suffit de se laisser prendre, et tu nous emmènes dans ce monde à priori sans poésie, terne, plat
Toi tu nous le donnes enrichi en humanité...merci

7. Le jeudi 8 décembre 2005, 14:47 par Traou

Serge > Je crois qu'il y a de "l'âme" partout où on veut bien en voir.... Si j'ose un jour lui demander son nom, je le dirai.... peut-être ;-)

Labosonic > You're welcome, mais je suis sûre qu'il y a encore mille choses à dire, je t'en ai laissé !

Obni> C'est vrai qu'il y a beaucoup de façons d'observer sans être vu(e)dans le métro, et que la sensualité y a de multiples ressorts...

Vroumette > Ma "version" de Paris-Carnet en ligne ce soir sans doute.... Si tu vas chez Yves Duel carnetweb.info/yvesduel/i... tu auras un petit aperçu de la chose.... (j'ai un peu honte)

Alice > Ce compliment me touche tout spécialement (je me suis beaucoup promenée chez toi aujourd'hui, je n'ai pas encore tout découvert de ton si joli site et il me manque parfois des éléments pour comprendre tout à fait tel ou tel billet...). Je pars deux semaines, du 23 décembre au 7 janvier.

Coumarine > Cela me fait très plaisir de t'accueillir ici. Si j'ai pu "coloriser" un peu ce monde impitoyable du métro, j'en suis heureuse.

8. Le jeudi 8 décembre 2005, 15:08 par Anitta

www.lemonde.fr/web/articl...

9. Le jeudi 8 décembre 2005, 15:26 par Traou

Anitta > Merci pour l'info. Je savais que c'était imminent.
Déjà qu'un AR Paris/Saint Malo ça coûtait 130 € avec changement à Rennes et tortillard ensuite :-( alors maintenant..... Tiens je vais aller regarder le prix sur sncf.com

10. Le jeudi 8 décembre 2005, 20:06 par Vroumette

Yves est parti tôt effectivement et je suis arrivée tard ! Du coup, il ne m'a pas dit qu'il t'avait cherché hier. Tu as du être la fille la plus recherchée de la soirée. Mais faut pas voir peur, y'a rien que des gentils, promis ! Grâce à ses chaussures Franck Paul a vite pu être repéré. Pour ma première fois, moi c'était mon sac à fleurs. Donc à toi de nous donner un signe pour te reconnaitre pour la prochaine fois.

11. Le jeudi 8 décembre 2005, 21:20 par Miss épices

C'est presque apaisant de lire ce billet...j'aime Paris pour une ou deux journée, mais je ne pourrais pas y vivre, tout y est trop rapide, oppressant.

12. Le samedi 19 août 2006, 12:45 par pomme

Quel magnifique texte... c'est vrai que le métro c'est un monde.

J'ai souvent l'impression que ce genre de fascination ne s'exerce que sur les "provinciaux"... les Parisiens sont tellement blasés, ils ne voient que les mauvais côtés de leur sublime ville...