De pierre et de mousse

Femme de pierre et de mousse

Femme de pierre et de mousse
Hiératique et paisible
Pierre tendre offerte au vent

Je sais tes pleurs invisibles
Solitaires et silencieux
Et ce que ton regard lointain
Compte de regrets de ce qui n’a pas été

Femme de pierre et de mousse
J’entends tes fêlures de soleil et de glace
Fragile squelette dessiné de ton corps roc

Moussue et froide au regard
Qui sait ce qui bouillonne en toi
Condamnée au maintien d’une pose fière
Sous peine d’effritement, sous peine d’éclater

Femme de pierre et de mousse
Belle, pour combien de temps encore
Emoi des regards, bientôt oubliée

Je pense à toi quand le soir tombe, solitaire
Nocturne où ta mousse frissonne
Sans que rien n'esquisse ton réchauffement

Femme de pierre et de mousse
Si semblables nous sommes
Quand le cœur se serre, pierre
Quand le temps paraît arrêté

Contours découpés sur le ciel
Clair avoué, sombre caché
Parfois deviné, parfois murmuré

Femme de pierre et de mousse
Ton nom en est recouvert
Dans ce grand cimetière
Je ne peux te nommer

Alors quelques mots volent
Pour t’accompagner
Là où tu rêves peut-être
D’échapper à l’éternité

Femme de pierre et de mousse

Père Lachaise - avril 2006

Commentaires

1. Le jeudi 27 avril 2006, 23:13 par Anitta

Je ne me fais pas de souci pour elle. Tu as su lui offrir le plus beau des cadeaux : la vie, là, sous nos yeux. Demain, quelqu'un ira frotter la mousse, découvrira son nom, une date, et ses lointains descendants se manifesteront peut-être ; mais, déjà, ici, comme un écho, son souvenir rebat. Merci pour elle !

2. Le jeudi 27 avril 2006, 23:59 par Fauvette

C'st un beau titre, un beau texte, et des photos magnifiques. Anitta a raison tu lui as rendu la vie, ton oeil de photographe, tes mots fins et sensibles... oui, vraiment c'est un beau cadeau à cette femme, et à nous toutes. Merci Traou.

3. Le vendredi 28 avril 2006, 02:39 par baïlili

finalement, ce n'est pas si mal d'être changée en statue, de sel ou de pierre, si un jour on rencontre la plume de Traou pour nous faire revivre et d'une si belle manière...

4. Le vendredi 28 avril 2006, 07:41 par Crick

Très joli texte. Et quelle vie dans cette statue !!! Tu l'as si joliment délivrée. Elle a du en voir passer des générations et combien de mains se sont posées sur elle... Au Havre, nous en avons des toutes jeunes ;) de 3/4 ans en bronze, elles sont aussi magnifiques. C'est sûr celui qui les a sculptés, était inspiré !!

5. Le vendredi 28 avril 2006, 10:14 par ko

Waouh. Ma Modesta doit certainement ressembler à Elle... ou être son champ des possibles heureux. Quel bel hommage...

6. Le vendredi 28 avril 2006, 10:26 par Swâmi Petaramesh

Je vais finir par passer pour un vrai boulet si je commente chacun de tes textes, Traou, par un "Subliiiimeuh...", mais il y a difficilement autre chose que je puisse y ajouter, à part comme d'hab', sourire, et chut...
Je crois qu'il vaudrait mieux que je cesse de commenter... Mais je lis toujours :-)

7. Le vendredi 28 avril 2006, 12:22 par luciole

Comme un echo à mes "larmes de géantes"... sourire... C'est peut être ça l'éternité, émouvoir une passante avec une pierre scultée de vie...

8. Le vendredi 28 avril 2006, 15:50 par claude

Elle ne fût que poussière Que molécule ou qu'étincelle Elle ne fût que brin de lumière S'irisant dans un cristal de sel

mais grâce à toi, elle vit encore intensément....

9. Le samedi 29 avril 2006, 23:03 par Laflote

Ben dis donc, il a sacrément raison le Petaramesh... c'est magnifique ce que tu écris Traou... Travaille en production télé... tiens, tiens, ça me rappelle quelqu'un ça... Mais c'était dans une autre vie, il y a presque 7 ans... Je reviendrais, pour sûr.

La discussion continue ailleurs

1. Le vendredi 28 avril 2006, 14:27 par Ashram de Swâmi Petaramesh

Issue de secours

Une forme de contrepoint à ce magnifique billet-poème de Traou. Lié au sien par la règle des Trois Unités : Unité de lieu, unité de temps, et unité d'action ; sinon unité d'émotion et de sensation...