Credo et Conviction (ou le contraire)

Il y a certains sujets que je ne me suis pas décidée encore à aborder ici. Ou alors très timidement, mine de rien, une allusion par-ci, un lien par-là. Parce que j’ai créé ce blog pour le plaisir. Pas pour la polémique. Certains l’affectionnent et l’entretiennent. Très peu pour moi.

Ceci parce que sur ces sujets, j’ai des convictions qui ne sont pas celles couramment usitées et admises dans la majorité de la population – population occidentale, dite « civilisée », s’entend, même si notre degré de « civilisation » m’apparaît parfois de plus en plus barbare, à commencer par l’indéfectible et détestable complexe de supériorité dont témoignent un peu trop fréquemment mes contemporains à l’égard des traditions et croyances différentes des leurs.

Quand on professe certaines convictions culturellement inhabituelles, on se heurte un peu trop souvent - et cela commence à m’agacer quelque peu (quelque peu beaucoup) - à des réactions suffisantes/méprisantes de la part de donneurs de leçons sûrs de leur fait et de leur bon droit. Surtout quand on touche à l’invisible.

Alors voilà, pour exprimer les choses concrètement : je crois fondamentalement que la Vie n’a ni début ni fin. Que naissance et mort ne sont que les deux extrémités d’un passage fort bref sous une incarnation humaine. Que la Vie existe avant et se poursuit après, éternellement, sans doute. Que nous ne sommes pas notre corps, et que donc l’esprit (que certains appellent âme, mais peu importe) survit à la chair, sous une forme différente. De plus, je suis persuadée qu’après la mort, des manifestations de l’esprit sont possibles, et perceptibles sous certaines conditions.

Ouf ! (et encore j’ai résumé)

Et j’aimerais infiniment que certains, qui sont persuadés de détenir LA Vérité [1] sur ce sujet, cessent de me regarder avec commisération et/ou mépris et de se faire un devoir de me faire savoir à quel point j’ai TORT de penser ce que je pense, et accessoirement considérer (en ne s’en cachant que peu ou pas du tout) que je suis une pauvre folle et/ou une pauvre conne.

Ceux qui ont eu l’occasion de me croiser « in real life » me feront, je l’espère, la grâce de m’accorder que je n’ai pas l’air particulièrement illuminée. Et je ne le suis pas. Par ailleurs, je ne me revendique d’aucune religion, je pratique avec rigueur une activité professionnelle pour le moins rationnelle. Et surtout, je ne fais habituellement aucun prosélytisme sur cette question dont je sais qu’elle est épineuse pour beaucoup. Qu’elle peut provoquer gêne ou malaise, ce que je respecte.

Et je ne fais pas tourner les tables, non plus.

Cette certitude ne m’est pas tombée dessus un beau matin, je n'ai pas eu de révélation au cours d’un rêve agité, et je ne m'intéresse pas à la question uniquement depuis la mort de proches. Non, j’ai forgé cette conviction lentement au cours des années, sans exaltation particulière, juste une joie incroyable certains jours, et le sentiment de toucher du doigt quelque chose d’immense. Elle est le fruit d’une expérience, de recherche, de lectures, de rencontres, d’analyse de témoignages innombrables. Et je ne crois pas tout ce que je lis ou croise en ce domaine : il y a du farfelu et de l'illuminé grave dans le secteur, j'en suis très consciente.

Si je remonte dans le passé, cela fait plus de 20 ans que je me suis interrogée sur ce sujet pour la première fois, quand j’ai découvert le livre de Raymond Moody « La vie après la vie » qui traite plus particulièrement des NDE (Near Death Experience). Et un petit paquet d’années aussi que j’y « travaille » concrètement, compilant les témoignages, assistant à des manifestations et réunions sur le sujet, certaines organisées par une association dont je suis membre et qui s’intitule « Infinitude ». J’ai d’abord découvert des écrits, puis leurs auteurs, et des gens, beaucoup de gens, tellement de gens, certains comme moi témoins ou curieux de phénomènes particuliers, certains à la perception différente ou supérieure (qui ne s’intitulent pas tous médiums) et également des théologiens, des chercheurs, des médecins, des scientifiques... Je me suis rendue compte qu’il y avait de par le monde un grand nombre de personnes fort sensées à qui cela ne paraissait ni fou, ni con, ni impossible, et qui travaillaient sur le sujet avec cœur. Et rigueur. Pas plus tard que dimanche, j’ai passé ma journée à une conférence où des intervenants venus de plusieurs pays d’Europe ont donné les derniers résultats de leurs recherches en matière d’images ou de sons captés de « l’autre côté du voile » (j’aime bien cette image). Certains sont spécialistes en biométrie, électro-acoustique, physique… c’est parfois ardu, j’avoue.

Comment se fait-il que beaucoup de ceux qui considèrent comme aberrante ma conviction « d’après-vie » ne se soient le plus souvent JAMAIS penchés sur le sujet une seule seconde, n’aient jamais lu la moindre ligne et ne se soient jamais préoccupés de savoir s’il y avait des témoignages ou recherches intéressantes à connaître à ce propos ? Comment se fait-il qu’ils se contentent le plus souvent de m’asséner leur certitude contraire à la mienne et qui tient du simple « ressenti », alors qu’ils trouveraient normal de s’abstenir de prendre position sur d’autres sujets sans s’être documentés un minimum ? Est-il plus normal de balayer d’un revers de main ce sujet plutôt qu’un autre, ou bien est-ce juste la peur de la mort qui les fait réagir ainsi ?

Je préfère les gens qui me disent « Je ne sais pas s’il y a quelque chose après et je préfère ne pas me poser de question sur ce sujet parce que ça me fait froid dans le dos », plutôt que ceux qui prennent un ton condescendant pour me dire, imbus de leur propre ignorance : « Ma pauvre fille, tu es vraiment d’une crédulité lamentable » ou rigolards « Tu as trop lu Stephen King »… Chacun a le droit de penser ce qu'il veut, moi autant que d'autres, auquel je ne dénie pas leur scepticisme - c'est leur droit le plus strict - je les trouve juste bien péremptoires sans grande raison et bien peu curieux par ailleurs.

Si j’étais née ailleurs, dans certains pays d’Afrique ou d’Asie, mes convictions sur l’après-vie non seulement ne choqueraient personne mais paraitraient bien naturelles. Il y a des traditions ancestrales et des textes millénaires qui traitent de la survie de l’âme et de son « accompagnement » comme faisant intimement partie de la Vie dans son entier. Dans un avant-propos au Bardo Thödol (connu ici sous le nom de Livre des Morts Tibétains), le Dalaï Lama parle très naturellement de se préparer à ce qui se passe après la mort. Et le livre lui-même est un « traité » d’accompagnement des mourants mais aussi des défunts sur leur chemin dans le « monde intermédiaire ». Mais je suis bien persuadée que certains doivent considérer – sans l’avoir jamais ouvert – que le livre en question n’est qu’une douce plaisanterie tout juste bonne à distraire de bons sauvages crédules et que le Dalaï-Lama lui-même n’est qu’un gourou illuminé un peu trop souriant, d’ailleurs, pour être pris au sérieux.[2]

Dans nos pays dits « civilisés », cela fait un moment que la mort est occultée, ignorée, cachée. On ne la célèbre plus guère qu'en catimini et le plus vite possible. Le deuil est devenu de plus en plus tabou, alors la suite ! Et pourtant, il n’y a pas si longtemps, chez nous non plus, l’affirmation de la vie post-mortem ne paraissait pas si incongrue. On a fait le choix d’oublier, je me demande parfois pourquoi…

(à suivre, sans doute...)

Notes

[1] « Approche ceux qui cherchent la vérité; éloigne-toi de ceux qui prétendent l'avoir trouvée » – Lao Tseu. En dehors du fait que c’est drôlement chic de citer Lao Tseu, il disait des choses intéressantes, cet homme, non ?

[2] Ceci dit, pour ceux qui souhaiteraient approfondir la question, je déconseille de commencer par le "Livre des Morts Tibétains", ce n'est pas d'une approche des plus faciles. Je pense faire peut-être d'autres billets sur le sujet et je vais réfléchir à une petite biographie de base, si ça intéresse quelqu'un. Elizabeth Kübler-Ross, François Brune... il y a des auteurs-phares en ce domaine.

Commentaires

1. Le lundi 12 mars 2007, 17:22 par Anne

Alors là... je crois bien que quelle que soit notre conviction, elle tient justement à notre rapport à la mort, si on la craint, si on s'en fout, que sais-je.

Je fais plutôt partie du camp à me dire qu'a priori, il ne me semble pas qu'il y ait quelque chose après, et que dans le doute je profite du passage, mais... va savoir ? Je suis bien incapable de la moindre certitude sur le sujet. Tout ce que je sais c'est que mes atomes étaient là dès le début de notre monde et qu'ils seront là jusqu'à la fin, indépendamment de cette chose que j'appelle "moi".

Et c'est déjà un bon début !

2. Le lundi 12 mars 2007, 17:44 par Le Monolecte

Hummmm, voilà qui fleure bon l'empoignade trollesque dantesque :-)
Pour faire court, j'aimerais autant que tu ais raison, cela serait tellement mieux pour vivre. Il est d'ailleurs possible que tu ais raison, tout autant que ceux qui pensent que tout s'arrête après l'extinction de la barrière de chair, pensée terriblement insoutenable qui explique pourquoi les nihilistes évitent de se pencher de trop près sur la question.

Je chevauche les frontières et je continue à me poser la question de l'origine de la pensée humaine : un bon petit crépitement neuronal dans la cathédrale hallucinante de nos synapses ou quelque chose de totalement intangible et qui, de part sa nature non physique, peut effectivement s'affranchir du flux temporel?

Religions, paranormal, biologie, physique et métaphysique, j'ai eu un vaste champ d'exploration et la clé de voute de la question, c'est que l'on a la réponse un chouia trop tard... Pas de possibilité de trancher avec certitude. Que des supputations et une bonne grosse dose de foi (pas spécialement religieuse, par ailleurs!)

Au final, je suis quelqu'un qui tend vers le fait qu'il n'y a que la chair, pour nous comme pour les autres animaux et les plantes et que la conscience est probablement un bien sale tour que l'évolution nous a joué. Mais ce n'est même pas une conviction, juste un filet de présomptions qui s'empilent au cours du temps, des questionnements, des savoirs et des doutes. Tout ce que j'ai trouvé tend vers cela, ce qui ne m'empêche pas de trouver cette conclusion excessivement désagréable et angoissante, voire insoutenable, et de souhaiter avec une franche jubilation que ce soit toi qui ait raison! :-)

3. Le lundi 12 mars 2007, 18:42 par Swâmi Petaramesh

Bonjour Traou,

Je me souviens que nous avions eu l'occasion d'en discuter IRL toi et moi en un lieu particulièrement approprié, sans doute trop brièvement pour pouvoir faire le tour - ou fût-ce le millième du tour - d'une si complexe question.

Je salue ton courage d'aborder le sujet ici, en espérant que tu ne t'attireras pas la forêt de trolls que tu redoutes :-}

Je n'ai en ce qui me concerne aucune prétention à détenir la vérité, d'autant que je la sais complexe et au-delà du descriptible. Je crois que nombre d'entre-nous ont eu une ou des expériences plus ou moins poussées de ce qui peut se trouver au-delà des apparences immédiates de l'univers "qui tombe sous le sens".

Ces expériences, pour l'essentiel, échappent à l'entendement rationnel et à toute tentative de description. Il me semble que nombre de divergences d'opinion que l'on peut avoir par la suite proviennent de différences de compréhension et d'interprétation que l'on tente de donner de choses qui, de mon point de vue, sont au-delà des capacités du mental.

Mais j'ai commencé ce commentaire avec deux Nains sur le dos, et là, Mâ Anandaramesh vient de rentrer. L'ambiance ne m'offre donc pas le calme et la tranquillité nécessaires à de longs développements. J'y reviendrai sans doute un jour, plus probablement chez moi que dans des commentaires kilométriques chez toi.

En cet instant je teste l'aspect "Hurlements et caprices de Nain fatigués vs. grondements de mère et chant d'opéra à tue-tête de Naine sous la douche" de l'existence. Hypra-top pour une méditation de tous les instants.

J'y reviendrai donc. En effet, ce qui EST n'a ni début ni fin, pour le reste, c'est un peu compliqué...

4. Le lundi 12 mars 2007, 18:45 par luciole

Il y a quelque chose de profondément intime dans ce que nous croyons ou non de l'après et je te trouve très courageuse d'écrire à ce sujet. Moi qui ne suis ni secrète, ni particulièrement pudique, voilà un sujet que je n'aborde pratiquement qu'avec moi même... sourire ... bises ...

5. Le lundi 12 mars 2007, 19:29 par samantdi

Tu t'es toujours montrée respectueuse des autres, et pour cette raison je crois que tu n'attireras ici aucun troll. Les personnes qui ne partagent pas ton avis n'interviendront pas plutôt que de se lancer dans des polémiques stériles.

Pour ma part, je n'arrive pas à croire à la possibilité d'un au-delà, bien que parfois j'ai été saisie par des coïncidences inexplicables. Mon voeu secret est d'avoir une bonne surprise une fois arrivée "de l'autre côté des cailloux" ! Mon Coloc en revanche partage certaines des convictions dont tu fais état ici, et nous abordons souvent ces questions, avec passion, sans que j'arrive toujours à respecter ses points de vue car la facilité me porte à ironiser et caricaturer quand je me sens trop troublée.

Ma crainte se porte plus particulièrement sur le nombre de charlatans qui croîssent et se multiplient aux alentours de ces terrains de réflexion.

Je lirai avec intérêt tes billets sur ces sujets si tu veux les partager avec nous.

6. Le lundi 12 mars 2007, 19:39 par Le Gabian

Je te trouve... privilégiée ? Je ne sais pas si c'est bien le mot. Bénie ? "Bénie" ça sent un peu sa religion, je n'aime pas particulièrement non plus. Mon espoir que quelque chose continue, que la vie n'est qu'une partie du chemin s'est écroulée tranquillement au fil des ans. L'idée de la mort me terrifie mais je suis profondément incapable d'imaginer que ce n'est qu'un seuil vers un "autre". C'est douloureux.

Mais finalement c'est peut-être l'immensité de cet avant et cet après qui me donne le vertige et que je ne parviens pas à envisager à l'échelle microscopique de ma boîte crânienne. Comme lorsque la contemplation prolongée d'un ciel étoilé fini par me tordre le ventre, comme au bord d'un gouffre vertigineux.

7. Le lundi 12 mars 2007, 20:23 par Pierre

Merci Traou, et bravo, d'aborder franchement et longuement ce sujet. Je comprends bien à quel point certaines remarques condescendantes peuvent être insultantes.

Pour ma part, pour tout ce qui ne peut se prouver ni dans un sens ni dans l'autre, je me contente de rester ouvert à tout. Du moins j'essaie de l'être... Pour ce genre de sujets il est question de croire, de trouver un sens. Les batailles d'arguments sont vaines et seul l'accueil des pensées de l'autre peut élargir le champ de vision.

Mais par choix, je préfère croire en ce qui me semble le plus porteur, le plus souriant, le plus pacifiant. Sur la balance du doute j'appuie légèrement du côté de l'optimisme et du positivisme ;o)

8. Le lundi 12 mars 2007, 20:46 par Swâmi Petaramesh

@Luciole : Il y a quelque chose de profondément intime dans ce que nous croyons ou non de l'après et je te trouve très courageuse d'écrire à ce sujet. Moi qui ne suis ni secrète, ni particulièrement pudique, voilà un sujet que je n'aborde pratiquement qu'avec moi même...

C'est étrange d'ailleurs, quand j'ai commencé mon blog, j'avais l'intention d'accorder une large place aux questions essentielles. Et puis, ça ne s'est, jusqu'ici, pas tellement trouvé. Je me suis borné à l'écume des choses, la politique, les galères de l'individu, les illusions du samsara...

Ca viendra peut-être un jour, mais il est vrai que, plus je me suis enraciné dans certaines profondeurs, plus j'ai eu parallèlement du mal à en parler et à trouver les mots adéquats. Quand je n'étais qu'à la surface, j'en dissertais savamment, j'en serais bien incapable aujourd'hui, je crois. Tellement je ne peux dire une chose sans me rendre compte instantanément que ce n'est qu'une vérité partielle, incomplète, qui ne correspond qu'à un angle de vue précis et un niveau de perception des choses précis. L'impression que toute tentative de formulation trahit trop gravement ce que l'on cherche à dire, et qu'il vaut donc sans doute mieux se taire.
L'impression aussi que ce qui est à la fois tellement central et tellement omniprésent n'a finalement aucune espèce de besoin qu'on en parle ou qu'on en digresse. De ce point de vue-là, les choses se font comme elles doivent se faire, qu'importe qu'on en parle ou qu'on le taise, ce qui est, est, et ce qu'on peut bien en dire n'a pas la moindre importance. Il n'y a rien à gagner, rien à atteindre, rien à perdre. So sit back and relax...

Juste un truc : La notion de l'après n'a aucun sens. S'interroger sur l'après revient donc à poser une question qui, n'ayant aucun sens, ne peut recevoir aucune réponse.

Mais là encore, ce n'est pas une prétention à détenir une vérité absolue. C'est une vérité relative qui correspond donc à un angle de vue précis. On pourra trouver un autre angle sous lequel l'après peut avoir un sens - mais pas assez pour que la question obtienne une réponse qui fasse sens ;-)

Bon, y'en aura enore pour dire que je noie allègrement le poisson, à partir de quoi, il m'apparaît urgent de me taire. comme disait Desproges...

9. Le lundi 12 mars 2007, 21:45 par valclair

Moi je suis plutôt dans le "clan" des vieux rationalistes et très sceptique sur tout ça.

Mais plutôt seulement. J'étais beaucoup, mais beaucoup plus intolérant là dessus il y a quelques années et j'aurais pu faire partie de ce type de gens que tu dénonces, qui expédient ce genre de considérations avec un sourire méprisant et qui pensnet que ça ne vaut même pas la peine d'en parler.

Un jour , discutant avec une très vieille amie qui avait elle ce genre de convictions, tout à coup il m'est apparu comme un flash qu'après tout sa position pouvait être aussi recevable que la mienne, ça n'a pas changé mes convictions mais ça a changé en tout cas ma façon d'accueillir la position des autres, ça a été comme une espèce de révolution copernicienne dans mon esprit, je me souviens extrêmement bien du moment et de la façon dont ça s'est passé. Tiens je te le raconterai à l'occasion et je me dis que ça pourrait me faire un ricochet ça ...

En tout cas je pense que tu as bien fait de faire cette note, et puis tu l'as fait comme à ton habitude de façon réfléchie, équilibrée, ouverte...

10. Le lundi 12 mars 2007, 22:17 par Swâmi Petaramesh

Juste une petite considération sur la question de la "croyance" puisque, dès que l'on parle de ce genre de chose, beaucoup invoquent le verbe croire et le substantif dérivé croyance.

Par définition, une croyance, c'est quelque chose dont on n'a pas l'expérience personnelle directe, et que l'on ne peut pas non plus démontrer par la raison.

Mais il suffit d'avoir vu la mer une fois dans sa vie pour savoir qu'elle existe, en connaître la couleur (ou l'une des couleurs), connaître son immense étendue, la forme d'une vague... On en acquiert aussitîot une conviction inébranlable, qui est de l'ordre de l'expérience, de la connaissance vécue et non pas de la croyance. Bien sûr, cette expériencece reste personnelle et n'est pas de nature à emporter nécessairement la conviction de celui à qui on la narre et qui n'aurait pas vu la mer lui-même... Il pourra toujours penser qu'on lui ment délibérément, ou qu'on exagère, ou qu'on hallucine carrément, qu'on est fou à lier... ou qu'on rapporte comme expérience de première main ce qu'on ne connaît que par ouï-dire.

En ce qui concerne, sinon la fameuse question de "la vie après la mort" (ce qui pour moi est une pure contradiction dans les termes), du moins la question de la nature profonde de la réalité, de la conscience, de l'être... certaines personnes ont, personnellement, l'expérience de perceptions et d'états de conscience qui dépassent de très loin le "niveau courant, habituel, de tous les jours". Et qui ne sont pas (ou n'apparaîssent pas) liées à "ce corps" ou "cet individu" en particulier. Des expériences directes qui remettent fondamentalement en cause la notion même d'individu en tant qu'entité séparée ayant un commencement et une fin. Enfin si, d'une certaine manière, mais d'une autre, c'est sans importance réelle. Sans essence propre, comme diraient les bouddhistes. Quelque chose qui existe mais pas au niveau le plus fondamental. Qui n'est que la manifestation à un certain niveau de quelque chose de beaucoup plus vaste et fondamental. Bien sûr, ce que ceux qui ont vu cela peuvent nous en dire ne nous convaincra pas forcément, surtout s'ils ne savent pas vraiment exprimer ou décrire la nature de leur expérience, et si l'on a soi-même le plus grand mal à se la figurer. Mais le fait de n'avoir jamais vu la mer et de ne pas pouvoir l'imaginer suffit-il à taxer de mensonge ou d'exagération celui qui nous rapporte ce qu'il a vu lui-même ?

Bon, c'était juste ma minute fumeuse. J'éteins la lumière en sortant ?

11. Le lundi 12 mars 2007, 23:55 par labosonic

Vaste sujet, effectivement piège à trolls de toutes parts sur lequel, malgré des efforts désespérés je ne peux m'empêcher de réagir.

Je partage tout à fait ton constat sur la négation de la mort dans nos sociétés, qui n'est pas simplement un tabou, mais plutôt ce que je qualifierais de frontière finale de nos "civilisations", tant le sujet est occulté dans nos cultures modernes. La question de l'origine et de la transmission d'identité au travers de celle-ci n'ont jamais été aussi présentes actuellement et paradoxalement, la question de la fin est occultée.

Ce qui me choque, en premier lieu, dans ce billet et ses commentaires, ce sont les références constantes et presque systématiques de chacun à la religion qui domine le monde depuis le milieu du siècle dernier : à savoir le scientisme ou la foi quasi inconditionnelle en la science et ses vertus d'explication : Tu abordes le cas de médecins, chercheurs, scientifiques, Anne parle de tas d'atomes, Agnès évoque les synapses, Swami évoque la notion de croyance en calquant son raisonnement sur l'expérience telle que définie par Descartes et Valclair se réclame directement de sa pensée.

Malheureusement, s'il est bien un domaine qui permet de faire avaler des couleuvres, c'est cette religion-là. Sous prétexte de démonstration rigoureuse et de méthodologie rationnelle, on peut faire passer comme message tout et n'importe quoi. Je pourrais convoquer à loisir les exemples historiques pour étayer mon propos (Alexis Carrel était docteur), mais je vais plutôt l'illustrer à partir de mon expérience personnelle.

Sans être particulièrement un virtuose de la physique, j'ai été payé pendant quelques années pour résoudre des équations mathématiques dont il est prouvé qu'elles n'ont pas de solution. Et parmi mon entourage professionnel, ceux dont le domaine de spécialisation était différent du mien, pouvaient par moment croire que je faisais de la métaphysique tant les corrélations de mes résultats et de la réalité étaient troublantes. J'aurais pu, par jeu, leur faire avaler des couleuvres énormes sur certains sujets où ils étaient pourtant loin d'être des débutants, peut-être même une hypothèse fausse, un effet de bord ou un résultat inexact, me l'ont fait faire à mon corps défendant.

C'est là où je vois un grave péril dans ton discours quand tu cites des spécialistes en biométrie, électro-acoustique, physique. Dans quelle mesure peut-on, nous, simple béotiens - je ne me place certainement pas hors du lot - , accorder du crédit à leurs hypothèses, leurs théories, leurs mesures alors que nous n'avons aucune clé pour en saisir les tenants et les aboutissants scientifiques (et encore moins métaphysiques). Là est le danger de la justification de l'inconnu et de l'intangible par la rationalité scientifique qui n'est en fait qu'une réminiscence du positivisme de Comte et une réflexion extrêmement religieuse et naïve (oui, désolé, je suis naturellement athée comme une tasse).

Je pense sincèrement qu'il ne faut pas mettre de la physique dans la métaphysique et réciproquement et, très malheureusement, j'ai l'impression qu'inconsciemment, c'est un peu la pratique courante actuellement.

12. Le mardi 13 mars 2007, 01:29 par Minium

Tiens, je constate qu'un aspect de la question n'est pas remis en cause : ce qui serait positif est qu'il y ait effectivement un après. Or pour moi, la mort représente parfois un soulagement et je souhaite qu'on ait un jour la possibilité de cesser d'être conscient.

L'immortalité me semblerait être une malédiction et j'espère que, comme je crois en avoir la conviction, les être n'existent que pendant leur vie et par la rémanence des traces de leur passage.

Quel soulagement de ne pas craindre que nos disparus puissent être en proie à des tourments !

Le paradis ? Mouais, acheter sur plans... :o)

13. Le mardi 13 mars 2007, 08:44 par Fauvette

Je t'envie Traou. J'envie que tu puisses croire que la Vie n'a ni début ni fin. Et il ne me viendrait pas à l'idée de me moquer de toi, au contraire. Je te respecte, et respecte tes croyances. Je serais ravie de lire tes futurs billets sur le sujet. Je suis un peu comme Samantdi, je doute, mais aussi j'espère.

Bonne journée Traou.

14. Le mardi 13 mars 2007, 09:12 par pomme

Ce n'est pas une opinion que je partage (comme Minium je souhaiterais que la mort soit une fin au sens de soulagement, ça doit venir du fait que je suis extrêmement paresseuse), mais ça ne m'empêche pas de respecter ta conviction, exprimée avec clarté et lucidité. Et courage, c'est vrai que ce n'est pas évident à affirmer dans le monde où nous vivons, qui écarte systématiquelement tout ce qui peut être considéré comme différent, sans beaucoup d'autres nuances.

Et au-delà de ça c'est un très beau billet, empreint d'une lumière particulière. Celle de l'âme, sans doute...

15. Le mardi 13 mars 2007, 09:45 par cecile

tu sais combien je partage cette conviction avec toi :)

16. Le mardi 13 mars 2007, 10:36 par Coumarine

Il me semble que tu abordes deux sujets ici: - d'une part tes recherches et même tes convictions autour de la mort, qui se sont peu à peu construites à partir de lectures, recontres, réflexions de tous ordres. je suis aussi dans ce type de recherche, ce que tu dis ici me rejoint...( tu dois encore parler des papillons d'ailleurs hein!!!) - d'autre part, il y a l'incompréhension entre deux types de "chercheurs", les rationalistes et ceux qui acceptent de cherhcer ailleurs que dans le rationnel et l'observable pur...Hélas les rationalistes sont aussi souvent ceux qui croient détenir une vérité scientifique à toute épreuve, et méprisent souvent les autres Je ne comprends pas coment on ne peut pas se respecter les uns les autres: ne pas être d'accord sans se mépriser pour autant Je sais que tu as été blessée par un commentaire il n'y a pas longtemps dans mon blog , émis par une personne que par ailleurs j'aime beaucoup lire...quelqu'un qui a plein d'humanité... Et cela, ça me fait mal, parce que je SAIS ta richesse humaine profonde, et je connais aussi la richesse hummaine profonde de l'autre personne

17. Le mardi 13 mars 2007, 11:41 par Traou

Merci de toutes vos réactions. J'appréhendais un peu, j'avoue...

@Anne : Je trouve ça très beau : "... mes atomes étaient là dès le début de notre monde"... Quant à la peur de la mort, je ne peux plus en ressentir aucune grâce à ce parcours qui est le mien depuis si longtemps...

@Le Monolecte : J'ai l'impression que pour l'instant j'échappe à l'empoignade. Et c'est tant mieux ! :-) Si ce billet ne me vaut pas, pour l'instantn la visite de trolls, il me vaut la tienne et j'en suis ravie ! Quant à savoir si j'ai "raison", j'en suis persuadée pour mon propre compte, et je te le souhaite aussi si cela doit te faire jubiler !

@Swâmi : "Juste un truc : La notion de l'après n'a aucun sens. S'interroger sur l'après revient donc à poser une question qui, n'ayant aucun sens, ne peut recevoir aucune réponse."

Je suis tout à fait d'accord avec toi sur ce point. Cependant, il est nécessaire d'employer les mots dont nous disposons et qui sont parfois pauvres pour exprimer des choses plus vastes que nous-mêmes... J'emploie donc parfois, sans savoir comment faire autrement, ce vocabulaire et ces comparaisons "terrestres"...

@Luciole : Tu as raison, c'est du domaine de l'intime, c'est pourquoi je n'aborde ce sujet qu'aujourd'hui, même si ça me démange depuis longtemps. Et puis il m'arrive d'être dans dans des assemblées très nombreuses où nous ne parlons que de ça, comme de la chose la plus naturelle du monde, alors j'ai un peu l'habitude... ;-)

@Samantdi : Ah, il faudrait que nous en discutions ensemble avec Coloc et toi, ça m'intéresse ! Les charlatans, bien sûr, il y en a, et c'est vrai que je me dis parfois que j'ai de la chance d'avoir un minimum de jugeotte et de TOUJOURS m'interroger sur ce qu'on m'affirme en ce domaine. Car bien sûr, autour de ces sujets-là, on croise énormément de gens extrêmement fragilisés par la perte d'un proche et dont il est facile d'abuser... Mais j'ai rencontré aussi beaucoup de gens extrêmement respectueux et prudents, et qui savent prendre soin de ces personnes et les mettre en garde contre trop de crédulité (je parle là notamment des fondateurs de l'association Infinitude, qui sont des gens formidables d'humanité et qui apportent une aide et un soutien précieux à beaucoup de gens - je serai amenée à parler d'eux ici à nouveau, je pense)

@Le Gabian : Tu emploies le mot "vertigineux" et c'est exactement comme ça que je le ressens parfois. Sauf que c'est "vertigineux vers le haut", si j'ose dire...

@Pierre : Merci d'employer cette expression : "accueil des pensées de l'autre". C'est rare et beau. Et merci d'être optimiste ! Ça nous manque souvent ! A bientôt. :-)

@Valclair : J'ai souvenir que nous en avons parlé une fois ensemble et que ton scepticisme était nuancé par l'acceptation de ma propre conviction. Et je ne te vois pas du tout comme un "vieux rationaliste" ! ;-)

@Minium : Bienvenue ici. En fait je n'ai pas abordé cela et c'est un peu complexe : "éternité" ne veut pas dire pour moi "immortalité". Je suis d'accord sur le fait que si on me proposait l'immortalité en cette vie terrestre, je fuirais à toute jambes ! Et la littérature qui professe le "rêve d'immortalité" m'a toujours laissée perplexe. Plutôt crever ! C'est le cas de le dire ;-) Affaire à suivre...

@Fauvette : Merci amie Fauvette. J'ai commencé à prendre mon courage à deux mains pour aborder ce sujet. Il m'en faudra encore pour continuer... Savoir que vous êtes prêtes à me lire avec l'esprit ouvert est encourageant...

@Pomme : C'est tout toi, ça, j'adore ! Souhaiter qu'il y ait une fin parce que tu es "extrêmement paresseuse"... Cette formulation m'enchante ! Merci de faire rire aussi sur ce sujet, on a le droit, et comment ! :-D

@Cécile : On a eu l'occasion d'en parler aussi. De savoir que je partage cela avec une amie me fait du bien...

@Coumarine : Ne t'en fais en aucune façon Coumarine. En fait c'est grâce à ce commentaire chez toi que je me suis enfin jetée à l'eau ! Alors c'est parfait, non ? De plus, je savais fort bien en laissant ce commentaire chez toi que je donnais "le bâton pour me faire battre", comme on dit. J'ai plus été vexée que blessée, allez... ;-) Et en écrivant ce billet-ci, je me disais "Ah, Coumarine va être contente, on se rapproche à grands pas des papillons, là..." (même s'il va me falloir une autre sacrée dose de courage pour ça...). Je t'embrasse.

18. Le mardi 13 mars 2007, 12:24 par Traou

@Labosonic : Pardon, tu avais été - comme d'habitude - spamplemoussé. Comment faire comprendre à ce logiciel que tu n'es pas un spam ?....

Merci de ta réflexion qui me fait sourire de contentement. Mais si j'ai parlé en tout premier lieu de "science" dans ce premier billet, c'est parce que malheureusement, on est plus ou moins obligé de passer par là pour être ne serait-ce qu'écouté par beaucoup. Tu as raison : c'est une véritable "religion" qui en a remplacé d'autres, et qui aveugle tout autant...

Ce billet n'est qu'une "introduction" et j'ai voulu prendre certaines précautions pour ne pas partir aussitôt dans certaines choses que d'aucuns ne peuvent considérer que comme des divagations.

Il est vrai aussi que les "croyants de l'après-vie" (avec plein de guillements, Swâmi), se trouvent toujours accusés d'absence de preuves. Alors des laboratoires travaillent et cherchent pour faire entendre ce qui n'est pas seulement de la métaphysique : par exemple, on utilise des logiciels du FBI pour la reconnaissance vocale de voix "de l'autre côté" enregistrées, dont il apparaît qu'elle peuvent être "matchées" à 99,99999 % avec la voix du vivant correspondant (dans les recherches policières, cela est habituellement considéré comme preuve suffisante de l'identité d'une personne). Avec juste une anomalie : le logiciel révèle qu'elles ne peuvent avoir été produites par des cordes vocales, mais qu'elles ne sont pas non plus synthétiques...

On est obligés de s'appuyer sur ces recherches pour être au moins un peu écoutés. Il ne s'agit pas forcément d'un péril, peut-être du seul moyen pour se faire entendre...

Et je recherche la phrase qui m'avait beaucoup amusée d'un Prix Nobel de physique, je crois, qui avait affirmé avec bonhomie qu'une "preuve" mathématique ou scientifique pouvait parfaitement être la preuve de tout et son contraire. Encore un, comme Einstein, qui allait un peu au delà de l'apparence et de la trop souvent "toute puissance" de la science...

Et au fait, pourquoi des "efforts désespérés" pour ne pas réagir ? Ne te retiens pas, surtout ! :-)

19. Le mardi 13 mars 2007, 13:13 par Madeleine

Je confirme que dans la "vie réelle", tu n'as rien d'une illuminée :)) Je respecte également ces convictions que tu as envie de nous faire partager et attends la suite avec impatience. Parce que je suis preneuse de renseignements ! (on ne sait jamais, ça peut servir !)

20. Le mardi 13 mars 2007, 13:41 par obni

Personnellement, je respecte ce que tu penses sur ce sujet. Je dis : "Pourquoi pas"

21. Le mardi 13 mars 2007, 14:23 par Swâmi Petaramesh

Je me permets de reprendre la plume dans ce fil que je vais m'efforcer de mon mieux de ne pas monopoliser ; Traou n'hésite surtout pas à me dire si tu trouves que j'y prends trop de place !

@Minium : je constate qu'un aspect de la question n'est pas remis en cause : ce qui serait positif est qu'il y ait effectivement un après. Or pour moi, la mort représente parfois un soulagement et je souhaite qu'on ait un jour la possibilité de cesser d'être conscient.

Il est vrai que la fin de certaines souffrances et préoccupations individuelles apparaît comme éminemment souhaitable ! C'est pourquoi hindouistes et bouddhistes, qui croient chacun en la "réincarnation" bien que sous des formes différentes et très éloignées de la compréhension qu'en ont couramment les occidentaux, recherchent à atteindre la fin du cycle des renaissances ("samsara") qui leur apparaît comme un malédiction. Il se termine par la libération ("moksha") pour les hindouistes, et par l'extinction (le fameux "nirvâna") pour les bouddhistes, que l'ont peut également rapprocher de l'extinction en Dieu des soufis, (ou "fâna", d'où dérive d'ailleurs le mot français "fanatique")...

Cela dit, ces souffrances individuelles dont on recherche éventuellement la fin (la recherche de la fin de la souffrance est le thème central du bouddhisme) n'ont de sens que si l'on considère l'individu qui souffre comme une réalité-en-soi, alors qu'hindouisme comme bouddhisme - et comme également soufisme ou certaines branches du christianisme mystique assez peu orthodoxe - nous disent qu'il n'en est rien, que l'individu n'est qu'apparence et, en fin de compte, n'existe pas de manière irréductible en tant que tel.

Cela nous ramène à ton aspect de la question [qui] n'est pas remis en cause : Je crois que cela dépend énormément de la manière dont on envisage les choses. Je vais raisonner par analogie, bien que ce mode de raisonnement ne vaille pas forcément tripette et qu'on puisse lui faire dire ce qu'on veut...:

Imagine un archipel de petites îles. De ton point de vue de créature aérienne, tu peux considérer que ces îles sont des choses séparées ayant un réalité indépendante. Si l'une de ces îles vient à s'enfoncer sous les eaux et disparaître, tu peux en être triste en pensant que "quelque chose est mort".
Mais, tu peux aussi envisager ce qui existe sous la surface des eaux, et te dire que chacune de ces îles n'est que l'un des nombreux sommets émergents d'une même chaîne de montagnes. Et que si l'une de ces îles s'est enfoncée sous les eaux, bien qu'elle ait effectivement disparu, l'essentiel n'est pas l'île mais la chaîne de montagnes dans son ensemble, et que celle-ci n'est pas, ou très peu affectée, par la disparition d'une île alors que de nouvelles îles apparaisssent à chaque instant. Il y a sous la surface des eaux quelque chose qui relie toutes ces îles et les rend chacune petite partie d'une réalité plus vaste.
La manière dont tu vas considérer ta propre mort, toi, en tant qu'île, dépend énormément de la manière dont tu vas positionner intérieurement la notion "je" : Dis-tu "je" en parlant uniquement de la partie émergée d'un sommet particulier ? Dans ce cas tu es mortelle. Dis-tu "je" en parlant de la chaîne de montagne dans sa totalité, que tu es tout aussi bien qu'un sommet particulier ? Dans ce cas, tu es immortelle, et tu es autant "une île" que "toutes les autres îles" qui sont tout autant toi.

C'est seulement une question de point de vue. Nous avons naturellement tendance à envisager le point de vue de notre seule individualité apparente, pourtant, de nombreuses sagesses et traditions philosophiques ou religieuses nous disent que ce point de vue est faux.

Les notions générales sur la compréhension de l'humanité illustrées par les découvertes en physique nucléaire ne sont pas d'une nature totalement extraordinaire, entièrement inouïe ni même nouvelle. Elles occupent une place importante et centrale dans la pensée bouddhiste et hindoue mais elles ont une histoire également dans notre propre culture. Ce que nous découvrons est une démonstration, un encouragement et un raffinement d'une sagesse ancienne. - Robert Oppenheimer


@Traou : si j'ai parlé en tout premier lieu de "science" dans ce premier billet, c'est parce que malheureusement, on est plus ou moins obligé de passer par là pour être ne serait-ce qu'écouté par beaucoup.

Ce qui est d'ailleurs amusant, c'est que l'écrasante majorité des concepts sur lesquels nous réglons notre existence et nos choix quotidiens n'ont aucune nature scientifique, ou du moins n'avons-nous jamais cherché à les démontrer scientifiquement. Ce sont des présupposés que nous acceptons comme des vérités sans beaucoup les examiner. Il en va ainsi de toutes les billevesées que télévisions et hommes politiques nous déversent du matin au soir. Nous n'en appellons à la science que pour les concepts qui nous dérangent fortement !

La pensée, chez la plupart des hommes, n'est rien de plus que l'acceptation grossière et brute d'idées qu'ils n'ont pas examinées. Notre mental est une sentinelle somnolente ou négligente qui permet à quiconque de passer les portes pourvu qu'il soit correctement vêtu, que son apparence soit plausible, ou encore qu'il puisse marmonner quelque chose qui ressemble à un mot de passe familier. - Sri Aurobindo

> la reconnaissance vocale de voix "de l'autre côté" enregistrées, dont il apparaît qu'elle peuvent être "matchées" à 99,99999 % avec la voix du vivant correspondant

On arrive là à quelque chose qui m'ennuie : Tenter de démontrer par des moyens technico-scientifiques des choses qui ne semblent a priori pas logiques vues sous cet angle. Exemple, une voix, qui, cordes vocales ou non, est essentiellement produite par un objet matériel particulier : un corps de chair, un pharynx, une bouche, une langue, des lèvres... Le tout piloté par un cerveau pris dans les contraintes de la matière, du temps et de l'espace, qui lui donnent sa forme, sa tonalité particulière reconnaissable...
Si tout cet individu matériel doit disparaitre, mais que l'on envisage pourtant qu'il demeure une partie individuelle, non matérielle, qui survit au-delà de la vie matérielle de l'individu (ce dont personnellement je doute extrêmement fort, mais sur quoi je suis bien trop prudent pour me prononcer en faux de manière péremptoire et définitive), alors, il m'apparaît extrêmement difficile, sinon impossible, d'expliquer pourquoi la voix de cet ectoplasme ou quelle que soit la manière dont on le nomme, devrait avoir quoi que ce soit de ressemblant avec celle d'un corps matériel qu'il fut peut-être, mais qu'il n'est plus.
Je trouve cela douteux au plus haut point.

Comme je trouve douteuse (car intrinsèquement contradictoire) la démarche même qui prétend d'une part que l'individu est constitué d'autre chose que la matière et les formes d'énergie que nous connaissons (autrement dit : son corps), mais, qu'une fois cette matière et cette énergie disparues, on retrouvera la manifestation de cet aspect inconnu de l'être par le biais de la mesure de grandeurs physiques qui demeurent (bien obligatoirement) partie de l'univers que nous connaissons. Alors nous chercherons à retrouver une voix tombée de nulle part, l'apparition d'une image... Voix et image non pas d'un être, mais bien d'un corps qui n'existe plus (en ce point donné du continuum espace-temps). L'idée me paraît hautement suspecte, encore qu'on puisse faire tout un tas d'hypothèses de nature à l'expliquer, à faire intervenir des notions comme la non-localité de phénomènes ou va savoir quoi... Mais sans autres preuves, on demeure dans le domaine de suppostions extrêmement fantaisistes - du strict point de vue scientifique auquel je pense toutefois qu'il faut savoir ne pas se limiter aveuglément.

Non que je nie ou minimise en quoi que ce soit les capacités de la science, il n'en reste pas moins que demeurent de vastes terrae incognitae qui lui échappent encore.. Et Dieu sait quelles licornes se cachent là-dedans...

Mais que dire de la vie après la vie ?

Les gens qui comme nous croient en la physique savent que la distinction entre passé, présent et futur n'est qu'une illusion bornée et opiniâtre. - Albert Einstein

22. Le mardi 13 mars 2007, 14:34 par Swâmi Petaramesh

@Traou : Et je recherche la phrase qui m'avait beaucoup amusée d'un Prix Nobel de physique

Quelques petites, pour la route ?

La science est la tentative de faire correspondre la diversité chaotique de l'expérience de nos sens à un système de pensée uniforme et logique... Nos expériences représentent les matériaux donnés. Mais la théorie qui l'interprétera est faite par l'homme. Elle est... hypothétique, jamais tout à fait parfaite, toujours sujette aux questions et aux doutes. - Albert Einstein

Toute figuration du monde par chacun des hommes est et restera toujours une construction de son esprit, et la preuve de son existence ne peut être faite. - Erwin Schrödinger

Le monde objectif émane de l'esprit même. - Buddha Shakyamuni

Le monde physique est entièrement abstrait et sans "réalité", à part son lien avec la conscience - Sir Arthur Eddington

La division commune du monde en sujet et objet, monde interne et externe, corps et esprit, n'est plus adéquate et nous mène vers des difficultés. - Werner Heisenberg

La division considérée autrefois comme finale entre le "soi" et le "non-soi", le subjectif et l'objectif, est rejetée comme étant fausse. - K. Venkata Ramanan

Une réalité indépendante dans le sens physique ordinaire ne peut être attribuée ni aux phénomènes ni aux agents de l'observation. - Niels Bohr

Etre sous l'effet de l'illusion, c'est percevoir les apparences objectives et les apparences mentales comme si elles possédaient une réalité indépendante. - Bokar Rimpoché

Tout ce qui est matériel est également mental, et ce qui est mental est également matériel. - David Bohm

Les choses sont des objets par le fait du sujet [esprit]; l'esprit [sujet] est tel par le fait des choses [objet]. - Sengtsan

Sujet et objet sont un seul. La barrière entre les deux ne peut pas être considérée comme ayant été abolie suite aux expériences récentes en science physique, puisque cette barrière n'existe pas. - Erwin Schrödinger

Subjectivité et objectivité ne sont que les deux faces d'une conscience unique. - Sri Aurobindo

Il n'y a pas de voyeur ni de voyant ni de vu. Il n'y a qu'une réalité sans changement, sans forme et absolue. Pourquoi la diviser ? - Shankara

Nous distinguons généralement entre intérieur et extérieur, cependant... la distinction n'est rien de plus qu'une construction de pensée... Changez de position et ce qui est intérieur devient extérieur et ce qui est extérieur devient intérieur. - D.T. Suzuki

Euh bon, on va s'arrêter là ;-)

23. Le mardi 13 mars 2007, 18:08 par Traou

@Madeleine : En plus tu peux sûrement témoigner que je suis une "bonne vivante" ! ;-)

@Obni : J'aime tes "pourquoi pas". Chez toi les mots sont toujours précieux et signifiants...

@Swâmi : "J'y reviendrai sans doute un jour, plus probablement chez moi que dans des commentaires kilométriques chez toi."

Ah, ben nous voilà rassurés ! :-D

24. Le mardi 13 mars 2007, 18:11 par Swâmi Petaramesh

@Traou : Pas taper !

25. Le mardi 13 mars 2007, 20:21 par Erin

Très interressée par tes propos sur le sujet... Car pour moi une vie sans début ni fin, une vie après la mort c'est une croyance. C'est une conviction que j'ai acquise au fil des ans, qui m'a aidée et rassurée plus d'une fois, vis à vis de la disparition d'etres chers. Mais c'est avant tout ma tranquillité face à la mort qui m'y a amené... Car s'il y a bien une peur que je n'ai pas, c'est celle-ci !

J'attends de lire la suite, qui sera tout aussi bien exprimée, avec calme et raison...

En ce qui concerne "l'alliance" de la physique et de la métaphysique... Je pense qu'elles sont complémentaires, qu'elles peuvent etre un tremplin l'une envers l'autre... Alors pourquoi les dissocier ?

26. Le mardi 13 mars 2007, 21:51 par tanette

Un sujet qui m'intéresse tout particulièrement car je crois comme toi que "la Vie n'a ni début ni fin, que naissance et mort ne sont que les deux extrémités d'un passage fort bref.... que la Vie existe avant et se poursuit après... que l'esprit survit à la chair...." Par contre : "que des manifestations de l'esprit soient possibles après la mort.." je ne sais pas, et peut-être je n'ai pas envie de le croire parce que ça me fait peur.... Je ne suis pas aussi documentée que toi et ce sont des sujets que l'on aborde difficilement par crainte de passer pour folle, (c'est une raison de plus qui me fait apprécier ton billet). J'ai lu avec beaucoup d'intérêt entre autres, "Mémoire de Vie, mémoire d'éternité" d'Elisabeth Kübler-Ross. J'attend impatiemment ton prochain billet sur le sujet. Merci.

27. Le mercredi 14 mars 2007, 00:05 par Yogi

Comme en témoignent (me semble-t-il) de nombreuses citations apportées par Swâmi, le monde n'existe, pour chacun d'entre nous, que dans nos têtes. La réalité "n'existe" à nos yeux qu'à travers le filtre de notre pensée et de nos émotions.

Or nous constatons tous les jours, autour de nous et en nous-mêmes, et cela est bien confirmé par d'innombrables exemples, de l'anecdote la plus triviale à l'étude scientifique la plus pointue, à quel point nos pensées et nos sens sont influencés, à quel point notre perception du monde est biaisée, malléable, peu fiable.

Alors comment croire que plonger à l'intérieur de soi-même, s'appuyer sur son "intime conviction" puisse nous apporter la moindre compréhension de la nature de l'univers ?

N'est-il pas infiniment plus probable (ok, je ne dirai pas "certain") que nous n'y rencontrions que nous-mêmes, nos peurs, nos phobies, nos espoirs, remodelés et projetés sur la "nature du monde" tel que nous souhaitons profondément qu'il soit ?

Quelle que soit la force, l'évidence même à nos yeux de la "révélation" que nous trouvions en nous, comment penser qu'elle nous éclaire sur autre chose que sur la nature profonde de notre propre psychisme ?

Appelez cela du "scientisme" si vous voulez, mais l'expérience matérielle, mesurée, reproductible, scientifique pour tout dire, me semble la SEULE façon de prétendre atteindre autre chose que nos propres obsessions.

Ce n'est pas "plus d'introspection", "plus de traditions orales", "plus d'intime conviction", qui peuvent nous rapprocher des réponses aux questions évoquées ici, mais bien "plus de science".

Ainsi, il me paraît TRES troublant que, parmi les centaines de candidats qui se sont présentés d'eux-mêmes au "Défi Zététique", "One Million Dollar Challenge" ou autres tests du même genre, pas un seul n'ait pu montrer quoi que ce soit de probant.

28. Le mercredi 14 mars 2007, 00:09 par Pablo

Pour ma part, je ne crois plutôt pas (peut-être parce qu'on m'avait imposé une religion, et à 20 ans j'en étais dégoûté). Pour moi, la seule vie après la mort serait ce qui reste de nous dans la mémoire de ceux que nous avons aimés, de ceux qui nous ont aimé. (C'est déjà ça). Mais j'aime beaucoup que, dans ce domaine, d'autres gens croient à d'autres choses, et qu'ils me racontent leurs croyances avec passion mais sans (trop) essayer de me convaincre -avec conviction ou avec plein de doutes, ça m'est égal-. Et surtout quand leurs explications relèvent plus du poétique que du rationnel, plus de l'intuition que de la démonstration (je suis, de par ma formation, très sceptique : je sais très bien que même dans le domaine des maths, une preuve impeccable en apparence peut être pleine d'immenses trous, d'insurmontables pièges). J'aime beaucoup, par exemple, les récits d'Amy Tan, et les rapports de ses personnages avec l'au-delà (et quand je lis Amy Tan je suis, je deviens, ses personnages). J'aime aussi les souvenirs qu'Amy Tan a de sa mère, qui parlait de façon naturelle avec les fantômes des morts. (J'utilise ici "fantômes" dans un sens large et on ne peut plus imprécis, bien sûr). ((À propos, la mère d'Amy Tan est morte d'Alzheimer : je me demande comment un malade d'Alzheimer, dont on voit l'esprit -l'âme si on veut- disparaître si cruellement en vie, peut-il devenir après la mort un fantôme ? Les chinois doivent sans doute avoir une explication pour cela : j'écris "les chinois" mais je pense surtout à maman Tan... ou à son fantôme)).

29. Le mercredi 14 mars 2007, 03:54 par labosonic

@ Yogi :

Je serais assez prudent avec la tentation solipsiste qu'implique ton "le monde n'existe, pour chacun d'entre nous, que dans nos têtes" tout comme je suis extrêmement sceptique avec l'amas de citations de Swami. Il y mélange le physique et le méta-physique. Les commentaires de scientifiques sur les implications de changements de paradigmes - i-e de manière de mettre le monde en équations (et donc de le percevoir) pour pouvoir les garder valides aux limites de l'infiniment grand et de l'infiniment petit - n'ont rien à voir avec la sagesse sur la perception du soi par rapport au monde. C'est globalement une question d'échelle.

Ceci dit, j'adhère avec le fond de ton argumentation, c'est le bon vieux problème de l'expérience sensible de Descartes (le bâton droit qui apparaît courbé car plongé dans l'eau). Et je crois effectivement que l'intime conviction n'est pas vérité tant qu'elle n'a pas été démontrée.

Quand je parle de religion scientiste, je ne dis pas qu'il faut laisser de côté la science. Au contraire, je crois même que le défi zététique du Pr Broch et autres initiatives du même genre sont les garde-fous de cette société qui voue un culte à la science.

Avec tout le respect que j'ai pour Traou, je doute fort qu'elle n'ait le bagage suffisant en acoustique, en mesure physique et en traitement du signal pour pouvoir juger de la véracité de la corrélation à 99,99999% qu'on lui présente -je le dis avec d'autant plus de facilités que je n'estime pas plus avoir les connaissances pour en juger moi-même.

Et pourtant, la présentation qui lui en a été faite la renforce dans son intime conviction parce qu'elle a été enrobée d'un beau discours techno-scientifique qui lui donne des gages de sérieux, alors que ce n'était pas nécessaire puisque c'est précisément son intime conviction. A l'inverse, le sceptique que je suis vis à vis de ces thématiques aura tendance à voir dans ces assertions présentées comme presqu'irréfutables, trop peu de marge d'erreur pour les croire. Et, comme Traou, je serais renforcé dans mon intime conviction qui est opposée à la sienne.

Ce que je critique quand je parle de religion scientiste moderne, c'est le passage obligé par des données ou des démarches scientifiques qui, finalement, ne servent à rien (à par aux experts et encore essentiellement pour alimenter leurs querelles).

30. Le mercredi 14 mars 2007, 04:12 par SanAntonio

Il est vrai que de pouvoir ancrer en soi un avenir dans l'au delà, sous quelque forme que ce soit, "le dit avec une croyance emplie de modestie", ne m'apparaît qu'illusion certes fort agréable, reconfortante mais des plus improbable.

J'en veut pour exemple le fait d'avoir assisté mon père dans ses dernière heures qui crois moi ne ressemblaient en rien vers un prochain meilleur et c'est peut être là a ce moment devant lui implorant la fin, que je compris qu'il partait vers un rien.

N'ayant pu lire ni dans son regard ni dans ses rictus douloureux l'once d'une délivrance, sauf celle de mourir et vite, loin d'un départ serein.....mais juste pour le malheur de s'éteindre, tout simplement.

je partage pourtant si nous étions nés ailleurs, dans certains pays d’Afrique ou d’Asie, certaines convictions sur l’après-vie non seulement ne choqueraient personne mais paraitraient bien naturelles. Il y a des traditions ancestrales que personnellement je traduis plus comme du respect pour leurs morts, que cette façon lugubre, froide et anonyme dont nous nous avons opté pour leurs dire "au revoir" et a jamais je le crains.

Mon humble avis.

31. Le mercredi 14 mars 2007, 08:08 par Traou

Je ne répondrai pas à chacun ici sur tous les points, je n'en ai ni le temps ni la volonté, et comme je l'ai dit, je respecte les convictions - ou interrogations - de chacun. Et pourtant je ne partage pas certaines assertions formulées ici :

- j'entends le doute de Swâmi par rapport aux voix enregistrées, puisqu'il n'y a plus de corps pour les exprimer. Je dirais juste que ceux qui cherchent à entrer en contact avec nous doivent le faire d'une façon perceptible par nous, par nos sens : il s'agit donc de sons, d'images, d'odeurs, parfois de déplacements d'objet. Et s'ils veulent se faire reconnaître, ils le font de façon identifiable, d'où une voix ou un visage reconnaissable par nous.

- à Labosonic (tiens, tu n'es plus spammé), aurais-je prétendu avoir le bagage scientifique nécessaire pour évaluer quoi que ce soit ? (Est-ce qu'il faudrait que la population entière soit spécialiste en tout pour évaluer l'ensemble des informations qu'on nous donne ?). C'est pour cela que je rencontre des gens plus qualifiés que moi pour le faire. Cette similitude d'empreinte vocale m'a été présentée par des gens qui, eux, connaissent le logiciel et les points de comparaison utilisés, que je ne connais pas, bien évidemment. De la même façon que je ne connais rien aux techniques de comparaison d'empreintes digitales, et m'en remettrais à ceux qui les connaissent si je me documentais sur cela. De la même façon que je vais vers les "spécialistes" dans les domaines qui m'intéressent, qu'ils soient culturels, artistiques, scientifiques, pour les écouter lors de conférences, lire leurs ouvrages, etc... Quitte à douter de certaines de leurs affirmations et me renseigner aussi sur les thèses contraires. C'est ma façon à moi d'essayer d'apprendre sur les sujets qui m'intéressent. (mais je constate que tu me soupçonnes seulement d'être victime de "l'enrobage par un beau discours techno-scientifique qui donne des gages de sérieux"...) Je ne partage pas ton refus du mélange de la physique et de la métaphysique, tout en reconnaissant qu'il y a des limites.

- à San Antonio (bienvenue pour ton premier passage ici), c'est pour cela que l'accompagnement de la fin de vie est si important parce que le passage n'est pas facile.

32. Le mercredi 14 mars 2007, 11:00 par Swâmi Petaramesh

@Yogi : le monde n'existe, pour chacun d'entre nous, que dans nos têtes.

Je ne dirais pas cela exactement sous cette forme qui, comme Labosonic le relève, tient du solipsisme. Mais le solipsisme même ne tombe pas de la lune, et tient d'une intuition très profonde : Celle du lien d'identité qui existe entre l'univers et la conscience, et celle de l'unicité de cette conscience (autrement dit, il n'y a pas "plusieurs" consciences : "ma" conscience, "ta" conscience, "sa" conscience. Il y a juste la conscience unique).

La formulation solipsiste de cette intuition consiste à l'appropriation de cette conscience par "l'individu" supposé réel et ultime. On en arrive par là au solipsisme absolu : J'existe (sur la base de cogito ergo sum) et rien d'autre que moi n'existe, l'univers est la projection de mon esprit.

La formulation non duelle ("advaïta") de cette intuition est très différente : elle reconnaît l'unité fondamentale, absolue, de nature, de tout ce qui existe : Cela, qui ne peut être séparé, qui est "non-deux", et par là même l'essence fondamentalement illusoire de l'individu considéré en tant qu'être séparé.
Quand on discute de ces choses avec un occidental, c'est très difficile, car l'existence de l'individu comme entité irréductible et autonome lui apparaît comme tellement évidente, tellement indiscutable, que la plupart du temps l'occidental n'arrive même pas à concevoir qu'il puisse en être différemment, ni à envisager sérieusement les théories en ce sens qu'on lui propose. Ou il les juge depuis son propre paradigme qui reste irréductiblement celui de l'individu comme existant en-soi.
C'est une forme de révolution intérieure que de basculer un jour dans l'appréhension profonde de l'individu en tant qu'illusoire, en tant que fondamentalement inséparable de Cela qui est non-deux (l'un-sans-un-second du Vedanta).

La théorie quantique nous met sur la voie de cette inséparabilité fondamentale de ce qui est, bien que son champ d'application (tel que compris aujourd'hui) se limite au niveau atomique et subatomique. Il n'en reste pas moins que la théorie quantique nous montre qu'au-delà de l'apparence macroscopique des choses, au niveau fondamental, observateur, observation et observé ne peuvent être séparés.
Quand on envisage par exemple les choses du point de vue d'une science préquantique, on se figure qu'il existe une "réalité objective", indépendante de tout observateur ou de l'action d'observer, et que des observateurs indépendants peuvent effectuer (ou non) des mesures sur un élément donné de la réalité, et qu'ils trouveront toujours le même résultat, parce que'il existe une réalité fondamentale indépendante de l'observation et de l'observateur.
La théorie quantique nous montre qu'il n'en est rien, qu'il n'existe aucune réalité indépendante de l'observateur et de l'action d'observer (et du fait de prendre conscience du résultat de cette observation). C'est très étrange, mais c'est quantiquement exact.

Il est amusant devoir que l'homme de la rue, et, bien souvent, celui qui prend des positions extrêmement "scientistes" ou "rationalistes", vit intérieurement dans un univers newtonien et copernicien, mais préquantique et pré-relativiste.
On intègre intérieurement le fait que la terre soit ronde et gravite autour du soleil, et, même si ça ne change pas grand-chose dans la vie courante, cela influence profondément l'appréhension que l'on a du monde.
Pour autant, la quasi-totalité des habitants de ce début du XXIe s. ont une vision et une compréhension intérieures du monde qui date du XIXe s.: Ils n'intègrent intérieurement absolument pas les notions issues de la relativité et de la physique quantique, concernant le temps, l'espace, l'énergie, la matière, la réalité... En aucune manière. La plupart des gens considèrent que ces théories, largement démontrées depuis plus d'un siècle et dont les apllications pratiques ne maquent pas, relèvent pour autant encore de la spéculation échevelée ou de la science-fiction.
Un peu comme si, bien que sachant que les scientifiques disent que la terre est ronde, ils continuaient, intérieurement, affectivement, d'habiter une terre plate portée sur le dos d'une énorme tortue...

Je crois que, dès que l'on envisage la question de la vie après la mort, on achoppe immédiatement sur ces considérations profondes : la plupart des gens abordent ces questions du point de vue d'une vision classique du temps (réel, qui s'écoule indépendamment, immuable, séparé de l'espace...) et de la réalité. Ils envisagent et tentent de comprendre ces choses dans un univers newtonien. Je tente quant à moi de me les figurer dans un univers relativiste et quantique, et, même si c'est extrêmement complexe et si je ne prétends nullement détenir une solution, je pense que cela ouvre un éventail de possibilités infiniment plus larges que ce qu'autorise la physique classique - dans le cadre de laquelle on s'aventure très vite dans les fariboles et billevesées dès qu'on prétend envisager ces questions...

> Ce n'est pas "plus d'introspection", "plus de traditions orales", "plus d'intime conviction", qui peuvent nous rapprocher des réponses aux questions évoquées ici, mais bien "plus de science".

Il me semble cependant qu'il faut souligner deux choses :
- La première est que la "science" dure est encore très loin de tout connaître et de tout pouvoir expliquer. La science se conçoit comme work in progress, il y a encore des terrae incognitae pour lesquelles la science ne peut que dire nous ne savons pas encore, nous n'avons pas encore compris, nous n'avons pas encore d'explications. Il ne faut pas en déduire que la science affirme que ce qu'elle n'explique pas n'existe pas ! Seulement qu'elle n'a pas encore d'explication démontrée à des phénomènes dont l'existence n'est pas encore scientifiquement démontrée. A partir de là, si l'on fournit des explications qui relèvent de la supposition ou de l'imaginaire, on sort du domaine de la science pour entrer dans celui de la religion ou de la poésie... Ce qui ne veut pas dire que cela "n'existe pas"...
- La deuxième est qu'il me semble extrêmement orgueilleux de penser que la science humaine pourra un jour tout appréhender et tout expliquer - pour peu qu'on lui en donne les moyens et qu'on lui en laisse le temps. C'est quelque chose qui me semble, là aussi, ressortir de la croyance que celle de nombreux rationalistes en la toute-puissance de la science et en sa capacité d'expliquer finalement la totalité de l'univers. Je pense quant à moi que la science a ses limites, et qu'il est des questions qui ne pourront probablement jamais être tranchées d'un point de vue purement scientifique. On devra alors se contenter de l'absence d'explication, et, intérieurement, se positionnner de manière non scientifique, sur la base du ressenti intérieur.

Et rappelons que l'immense majorité des opinions que nous examinons, acceptons, rejetons, soutenons ou combattons quotidiennement n'ont absolument rien de scientifique - pensons simplement aux questions politiques, économiques ou éthiques...

Par contre, j'adhère complètement à la remarque de Labosonic à propos du beau discours techno-scientifique qui donne des gages de sérieux à propos de choses qui ne relèvent pas directement - ou pas encore - de l'explication scientifique : C'est presque toujours le signe d'une escroquerie intellectuelle, tout comme les statistiques où l'on te sort des "corrélations à 99,999%", alors que je trouverais bien plus crédible qu'on me parle d'une probabilité à 68% par exemple... Un peu comme les élections de républiques bananières où le président est élu avec 98% des suffrages quoi : Quelqu'un a triché :-}

Ca fait également penser à l'arnaque intellectuelle que constitue la théorie de l'Intelligent Design, qui consiste à démontrer par de pseudo-propositions scientifiques des éléments qui relèvent de la foi, et qu'on a décidé par avance de démontrer coûte-que-coûte quitte à falsififer les preuves.
Je suis pourtant de ceux qui pensent (intuition...) que le hasard n'existe pas, et qu'il est un moteur insuffisant pour rendre entièrement crédible la théorie darwinienne de l'évolution. Je pense qu'il lui manque quelque chose.
Et pour autant, je dis également que la théorie de l'Intelligent Design telle que la présentent les milieux religieux américains est une considérable escroquerie intellectuelle.

Mais je crois qu'on dérive largement hors du sujet, et que j'ai encore fait beaucoup trop long ;-))

33. Le mercredi 14 mars 2007, 12:20 par Swâmi Petaramesh

<Méditation>

Pourquoi le spectre d'aucun éminent scientifique décédé (ce n'est pas ça qui manque..) n'a-t-il encore donné de conférence sur l'après-vie à ses pairs, à l'Académie des Sciences, ni adressé le moindre article à ce propos à Nature, fût-ce par le biais de voix enregistrées à l'envers sur une bande magnétique si c'est un petit plaisantin (on n'est pas chiens)...

C't'embêtant comme genre de question... Un peu comme : à supposer que la machine à remonter le temps existe un jour dans le futur... A supposer que ça marche bien, elle se démocratiserait certainement... Donc comment se fait-il qu'il n'y ait aucune machine à remonter le temps garée en ce moment en bas de chez moi... Puisque même construite dans le futur, elle remontera dans le passé... Et qu'on n'en a jamais vu, même aux dates et lieux les plus célèbresde l'histoire... Donc les plus susceptibles de voir débarquer un touriste du futur... Ce raisonnement tend à démontrer que la machine à remonter le temps n'existera jamais.

(De même que la question Comment se fait-il que le ciel nocturne ne soit pas uniformément brillant, mais noir avec des étoiles ? Suffit à démontrer que l'univers est fini, et la vitesse de la lumière également finie.)

</Méditation>

34. Le mercredi 14 mars 2007, 12:39 par Yogi

@Swâmi #32 : Ma remarque d'intro n'était pas solipsiste. Je pense qu'il existe une réalité en dehors de nous ; mais je rappelle juste cette tautologie : nous ne percevons jamais cette réalité qu'à travers notre instrument de connaissance : le filtre de notre pensée et de nos émotions. Et cet instrument est, il le prouve tous les jours, extrêmement apte, voire même farouchement résolu si son propre équilibre est en jeu, à nous induire en erreur.

C'est pourquoi, quand tu invoques ton "intuition très profonde, celle du lien d'identité qui existe entre l'univers et la conscience", ou bien la vision orientale de "non-dualité", je dis : peut-être. Mais ce n'est ni plus ni moins, à ce stade, que ta propre perception des choses. Comment savoir si cette "profonde intuition", si cette "vision inaccessible à un occidental" n'est pas que la pulsion irrépressible d'un psychisme voulant à tout prix se sentir partie d'un tout ?

Je reviens à ma réponse : seule la démarche "scientifique", qui cherche à se dissocier de la perception d'un individu particulier, peut permettre de faire avancer cette question.

Pour la suite, je trouve que tu abondes dans mon sens : la mécanique quantique n'est pas le résultat d'une méditation introspective, mais bien le fruit d'une démarche scientifique. Le fait qu'elle révèle des modes de fonctionnement opposés à notre sens commun n'est pas étonnant en soi, c'est même plutôt l'inverse qui aurait été étonnant.

Pour autant, le fait que tu voies un lien entre le principe d'indétermination quantique et la problématique de la vie après la mort, ce raccourci n'engage que toi (ou plutôt : n'engage que ton psychisme qui visiblement te pousse à le faire ;-) ! )

Par ailleurs, il est bien clair que par sa définition même la science est du "work in progress", qui n'arrivera jamais au bout. Gödel nous dit d'ailleurs que quoique nous fassions, nous devrons toujours finir par nous appuyer sur des postulats improuvables.

Enfin, en termes d'orgueil, la démarche scientifique me paraît justement la plus humble qui soit. Le comble de l'orgueil n'est-il pas de penser trouver "au plus profond de moi même" "dans mon propre ressenti intérieur", les réponses définitives à toutes ces questions ?

PS : "Le hasard n'existe pas" mérite en effet un billet à soi seul !

35. Le mercredi 14 mars 2007, 13:01 par Swâmi Petaramesh

@Yogi : Je pense qu'il existe une réalité en dehors de nous

Quant à moi, je pense que "nous" n'existons pas en dehors de la Réalité. Mais ceci, comme tu le notes plus bas dans ton commentaire, est une position personnelle et philosophique, pour toi comme pour moi.

> nous ne percevons jamais cette réalité qu'à travers notre instrument de connaissance : le filtre de notre pensée et de nos émotions. Et cet instrument est, il le prouve tous les jours, extrêmement apte, voire même farouchement résolu si son propre équilibre est en jeu, à nous induire en erreur.

J'abonde là-dessus : C'est indiscutable.

> Comment savoir si cette "profonde intuition" ... n'est pas que la pulsion irrépressible d'un psychisme voulant à tout prix se sentir partie d'un tout ?

On ne peut pas le démontrer, ni démontrer le contraire. C'est pourquoi ce n'est pas une affirmation "scientifique", mon propre sentiment n'ayant pas force de preuve à ton égard. (Je corrige cependant la formule "partie d'un tout". L'Advaïta ne considère pas de "partie". je suis le Tout et le Tout est moi. Cela, tu l'es [Tat twam asi]). Cependant le fait que l'Advaïta soit un point de vue largement partagé, et depuis des millénaires, en Inde, et d'une manière légèrement différente dans le bouddhisme, ne démontre rien, puisque des milliards de gens peuvent communier dans l'erreur - et que je ne partage pas la plus grande partie des affirmations que soutiennent les milliards d'humains se réclamant de l'un des principaux monothéismes, par exemple.
Cela reste donc ma conviction, juste la mienne. Je l'exprime, je ne prétends pas convaincre quiconque - mais, s'agissant d'un courant de pensée qui n'est pas de mon invention, quiconque intéressé pourrra aisément se documenter par lui-même.

> Pour autant, le fait que tu voies un lien entre le principe d'indétermination quantique et la problématique de la vie après la mort

Qu'il soit clair que je ne crois pas à la "vie après la mort". Je crois seulement que se poser la question sous cette forme est mal poser le problème. Je ne fais pas directement un lien entre "le principe d'indétermination quantique et la problématique de la vie après la mort", mais je dis qu'une vision relativiste ou quantique modifie profondément le sens que l'on peut donner à ces questions de "l'avant" ou de "l'après" (-vie, ou toute autre chose). Je répète que, comme tu le relèves, il est évident que tout ceci "n'engage que moi".

> en termes d'orgueil, la démarche scientifique me paraît justement la plus humble qui soit. Le comble de l'orgueil n'est-il pas de penser trouver "au plus profond de moi même" "dans mon propre ressenti intérieur", les réponses définitives à toutes ces questions ?

C'est juste. Il n'en reste pas moins qu'aujourd'hui, la science n'apporte pas de réponse à toutes les questions - et je doute qu'elle le fasse jamais. En attendant cependant, ne serait-ce que pour pouvoir vivre, nous devons bien, chacun de nous, nous positionnner par rapport à ces questions, ou accepter de bon coeur notre absence de certitudes et de positionnement. Mais, en l'absence de certitudes, il reste toujours le "il me semble que... je perçois que... j'ai le sentiment que..." Tant qu'on est capable d'ajouter un "mais je peux me gourrer... je n'ai pas de prétention à la Vérité Ultime !" ça va encore, non ? ;-)

36. Le mercredi 14 mars 2007, 21:38 par mc

Je ne crois pas trop, et même pas du tout, à une vie personnalisée avant la naissance ou après la mort, sauf si on dit qu un enfant, avant d être conçu, vit dans le projet de ceux qui deviendront ses parents, et que ceux que nous avons aimé continuent à vivre dans notre souvenir et dans ce que nous avons reçu d eux.

Quant à ceux qui ont des croyances différentes des miennes, je leur en accorde volontiers le droit.

Par contre, je n aime pas les religions qui essaient de me convaincre de renoncer à cette vie là, pour moi la seule, sous prétexte qu il y en aurait une autre après, évidemment bien meilleure.

En plus je suis une sale égoïste, une vie non personnalisée ne m intéresse absolument pas!

37. Le mercredi 14 mars 2007, 23:55 par Pablo

Swâmi Petaramesh : Pourquoi le spectre d'aucun éminent scientifique décédé (ce n'est pas ça qui manque..) n'a-t-il encore donné de conférence sur l'après-vie à ses pairs, à l'Académie des Sciences, (...)

Il y a mille raisons possibles. Par exemple : parce qu'on n'a pas appris à les écouter ; parce que ceux qui savent les écouter ne les ont pas reconnus ; parce que ces éminents scientifiques n'ont pas encore appris eux-mêmes à se manifester dans l'au-deçà...

Si je suis sceptique envers les démonstrations d'une vie après la mort, je ne le suis pas moins à l'égard des prétendues démonstrations de sa non existence (les démonstrations de non existence sont souvent plus difficiles à établir que les autres).

(Par exemple, à propos de tes machines à remonter le temps : il y en a cetainement partout, mais elles nous sont invisibles... pour des raisons qui m'échappent ;-) )

En tout cas, le courage de Traou en abordant ce sujet est admirable.

38. Le vendredi 16 mars 2007, 03:19 par Bailili

Je n'ai pas lu tous les comm ci-dessus...

Je ne me suis jamais posée beaucoup de questions sur ce sujet mais je crois être de ces gens qui, n'ayant pas peur de la mort, pensent qu'il y a quelque chose après, comme une sorte de réincarnation. Ca me plaît de le penser et, sans doute, ça me rassure. Je dis souvent en plaisantant que j'ai dû être un chat dans une autre vie, et, parfois, je le crois vraiment...

39. Le mercredi 21 mars 2007, 14:44 par Pivoine

Bonjour Traou,

Un jour, une amie (une dame assez âgée - par rapport à moi), m'a parlé de trois âges de la vie: l'âge des apprentissages, l'âge de la "productivité" (ce n'était pas le mot exact, mais le sens y est), et l'âge de la métaphysique... Je crois qu'on pourrait nuancer en disant que dans l'enfance, le métaphysique a aussi sa place (un jour, j'ai demandé à ma mère: "qu'est-ce qu'il y a après la mort? Est-ce qu'il y a quelque chose?" et, logique, "qu'est-ce qu'il y a avant la naissance? Est-ce qu'il y a quelque chose?"

Pourquoi te taxerait-on d'illuminée ? Tu poses bien la question, de manière nuancée, et (même si ça fait bien ;-) Tu présentes bien tes références, Lao Tseu est un maître spirituel, le Bardo Thodol (mais je n'ai pas pu le lire... J'ai mes limites...) est un ouvrage me semble-t-il respectable... On lit aussi selon sa sensibilité. Ma sensibilité me mène davantage vers les religions du Livre, mais bon, pourquoi pas ? (Comme le dit Obni et comme le pensent peut-être beaucoup d'autres).

En tout cas, je peux témoigner que l'athéisme pur et dur me fait peur. Je trouve cette position absolument désespérante, en ce sens que pour moi, la vie perd tout son sens. Peut-être pas à l'échelle de certains individus (humanistes que nous sommes pour la plupart), mais à l'échelle d'une société, d'un monde, mais ce serait horrible ! Je comprends qu'il y ait un désespoir total, mais pour moi, en tout cas, je le refuse.

Donc, je me complais dans un agnosticisme auquel je tiens. Parce que tout compte fait, je n'ai pas envie qu'il n'y ait rien, même si je ne sens "rien".

Par ailleurs, on peut admettre qu'il y a 60 % de notre cerveau et de nos capacités (qui pourraient s'exercer dans les domaines de l'indicible, de l'invisible...) que nous n'utilisons pas... Et peut-être beaucoup de choses incompréhensibles que nous pourrions expliquer quand on connaît l'existence de ces 60%.

J'ai vécu avec quelqu'un qui s'intéressait très fort à tout cela, au travers de ses lectures. Quand on passait des lectures à la rencontre en chair et en os des personnes, point n'était besoin d'être très rationaliste pour se rendre compte quand on a affaire à quelqu'un d'authentique (qui ne se pose pas en gourou) et quand on risque de dévier...

Une attitude rationaliste n'est pas forcément incompatible avec un questionnement sur la vie après la vie et les choses invisibles, elle peut être une aide précieuse. Après tout, les philosophes n'ont pas arrêté de se questionner et d'essayer de trouver des réponses.

Ce qui est dérangeant, je crois c'est quand la croyance personnelle (je crois ou je ne crois pas), devient intolérante : c'est quand on affirmerait qu'il Y A QUELQUE CHOSE ou qu'il n'existe pas de quelque chose... Sans écouter l'autre.

Après tout on peut débattre..............

Amicalement !

40. Le mercredi 21 mars 2007, 15:49 par Swâmi Petaramesh

@Pivoine : En tout cas ... l'athéisme pur et dur me fait peur. Je trouve cette position absolument désespérante, en ce sens que pour moi, la vie perd tout son sens. ... Donc, je me complais dans un agnosticisme auquel je tiens. Parce que tout compte fait, je n'ai pas envie qu'il n'y ait rien, même si je ne sens "rien".

Remarque sans méchanceté aucune : je n'arrive absolument pas à comprendre le fonctionnement mental de personnes dont les croyances métaphysiques dépendent non pas de ce qu'ils pensent, ressentent, raisonnent ou observent comme étant "la vérité" ou "la réalité", mais au contraire de ce qui est confortable ou inconfortable, tolérable ou intolérable à leur petite personne.

Pour moi, construire l'univers autour de son confort psychologique est parfaitement absurde.

Un peu comme si on décidait que la terre est plate parce qu'on trouverait psychologiquement inconfortable qu'elle puisse être ronde !

J'y vois une forme absolue de lâcheté et d'autruchisme, d'autant plus surprenante quand cette attitude est consciente... Ne cherchonssurtout pas à savoir ce qui est, contentons-nous bien gentiment de ce qui ne nous dérange pas...

41. Le mercredi 21 mars 2007, 17:26 par pati

bon, j'ai lu attentivement ta note, Traou (merci pour ton passage chez moi ! :) )

et j'avoue n'avoir que survolé le fleuve de tes comm' :))

j'ai mes croyances sur le sujet. croyances au sens littéral du terme, rien de religieux là-dedans. pour citer une de ces croyances, je crois en effet que la mort n'est qu'un passage. disons que ce qui se rapproche le plus de ma façon de penser s'apparente au boudhisme. mais je ne suis pas boudhiste. ni catholique, ni rien d'autre. par choix. je préfère penser seule, sans être attachée à un courant de pensée qui ne pourrait que m'enfermer dans un schema trop étriqué à mon gout...

je fais de l'accompagnement de fin de vie, comme on dit. j'apporte un peu de ma présence à ceux qui vont mourir. je préfère dire ça. et parfois, j'aborde ce sujet avec certains d'entre eux.

et chaque fois, comme là, à lire ton entrée, je me pose la même question.

pourquoi cherche-t-on systématiquement à convaincre l'autre de la véracité ou de la justesse de notre point de vue ? à quoi ça sert, puisque tu as, dès le départ que peu de chances d'être comprise, ou de voir l'autre changer d'avis ? pourquoi ne pas plutôt accepter que l'autre pense autrement que soi ? tout simplement ? où est le problème, si je ne pense pas comme mon voisin ? en quoi ai-je besoin d'aller lui dire "hé, tu sais, tu te gourres du tout au tout. Dieu existe" ou l'inverse, hein.... en quoi a-t-il le droit de juger de ce que je suis en fonction de ce que je crois ? et en quoi aurais-je, moi, ce droit ?

tu vois, je suis convaincue par l'idée de réincarnation depuis que je suis toute petite. mais je n'ai jamais ressenti le besoin d'en convaincre quiconque ! tout comme d'ailleurs, j'accepte mal qu'on tente de me convaincre que Dieu existe, par exemple. parce que peu importe, finalement, que je crois qu'il existe ou non. peu importe que mon vis à vis croit ou non à la mort comme passage vers autre chose, ou qu'elle ne soit que le début d'un grand rien !

non ce qui m'importe, personnellement, c'est que les gens que je cotoie, ou ceux que j'accompagne vers leur mort, se sentent bien dans leur vie. dans ce qui leur reste à vivre. que ça, ils le vivent pleinement. et si croire en dieu les aide à bien vivre, eh bien alors, je joins mon âme à leur prière. et je le fais sincèrement. ça n'entre pas en conflit avec ce que je crois.

parce que finalement, c'est en l'humain que je préfère croire. :)

42. Le jeudi 22 mars 2007, 20:04 par Vicnent

Il y a une façon simple de te répondre. Ta théorie n'est pas scientifique. Donc elle n'est pas réfutable (http://fr.wikipedia.org/wiki/Popper)

À partir de là, tout ce que tu diras, personne ne pourra l'infirmer ni le confirmer.

Le reste après...

43. Le jeudi 22 mars 2007, 20:13 par céleste

Bonsoir!

J'avais lu et apprécié ton texte il y a quelques jours, mais en ce moment j'ai très peu de temps pour bloguer! donc aujourd'hui j'ai aussi lu les coms

je serai brève.

en ce qui me concerne je me fiche de savoir si oui ou non il y a quelque chose après, c'est le présent qui m'intéresse, qui me passionne et je ne veux pas en perdre une miette, pour moi, pour les autres.

je n'ai pas le temps de penser à la mort, mais je suis convaincue qu'au même titre que la naissance, elle fait partie de la vie.

Je survivrai à travers mes enfants, ou grâce à certains actes, ou tout simplement parce que lhumanité continue et qu'avoir la conscience profonde d'y appartenir est une forme de survivance.

Je crois que chacun "s'arrange" avec cette inéluctable inconnue qu'est la mort, d'aucuns en suivant les voies (voix) de diverses religions (plus ou moins connues) ou à sa façon, l'important étant de bien le vivre.

Pour finir, au moment ou je tape ces lignes, j'ai plus peur de ne pas faire durant ma vie tout ce dont j'ai envie, que de mourir.

chaque chose en son temps.

merci Traou pour ce moment de réflexion

44. Le jeudi 22 mars 2007, 20:17 par Amazone

@Pablo : "(les démonstrations de non existence sont souvent plus difficiles à établir que les autres)" Les athées n'ont aucune raison de démontrer la non-existence de Dieu. Cette question n'intéresse que les croyants. L'athée n'a pas de temps à perdre avec une notion qui lui est autre, il l'a déjà suffisamment intériorisée et y a réfléchi, comme tout un chacun... De fait la vie n'étant pas très longue, il a d'autres chats à fouetter qu'essayer de convaincre...

45. Le jeudi 22 mars 2007, 21:06 par Swâmi Petaramesh

@Vicnent : La méthode scientifique est une méthode d'explication du monde qui a fait la preuve de son efficacité, mais ce n'est pas le seule méthode d'appréhension ni de compréhension du monde. Traou cherchait à exprimer ce qu'elle croit, non pas à te convaincre par une preuve de type A+B.
Ce que tu relèves là ne sera pas pour la surprendre, mais tu enfonces une porte ouverte ;-)

@Amazone : Il est en fait impossible de démontrer l'inexistence de beaucoup de choses en général et de "'Dieu" en particulier... Tout au plus peut-on dire qu'il n'apparaît pas nécessaire dans le cadre d'une hypothèse donnée.
On peut noter que le post de Traou ne faisait pas explicitement référence à l'existence d'un quelconque dieu, d'ailleurs.

Pour ce qui est de "chercher à convaincre", cela dépend du tempérament de chacun. Je connais des athées qui ont fait de leur athéisme une croisade, d'autre qui gardent leurs croyances, non-croyances, ou expérience mystique, pour leur usage personnel sans chercher à forcément convaincre autrui...
On touve aussi des personnes ayant une expérience particulière (ou le prétendant, pour ceux qui n'y croient pas) qui cherchent davantage à partager ce qu'ils pensent avoir trouvé, plutôt que "convaincre" dans le seul but stérile "d'avoir raison et de détenir la vérité"...

Je regrette de n'avoir guère le temps d'approfondir davantage ces questions chez moi ce soir...

46. Le jeudi 22 mars 2007, 21:49 par Chondre

Je commente une peu tard (vacances au ski en compagnie de Jim). C'est un très beau billet, même si je suis convaincu au plus profond de moi qu'il n'y a rien avant et surtout rien après. Je suis finalement un peu comme fauvette. j'aimerais tant croire... Mais dans tous les cas, c'est vraiment bien d'en parler comme cela.

47. Le jeudi 22 mars 2007, 22:08 par Amazone

@Swâmi Petaramesh : mon commentaire était réservé à la citation de Pablo. Je ne me permettrais pas de juger ou de chercher à convaincre quiconque. Je crois seulement très naïf de demander à un athée de définir Dieu ou de justifier sa non existence.

48. Le dimanche 25 mars 2007, 20:45 par Parisienne exilée

L'incrédulité ou l'athéisme ne se rencontrent qu'en Occident, c'est-à-dire qu'ils ne sont somme toute pas très répandus parmi les 6 milliards d'habitants de la planète. Mais il est vrai que parmi les occidentaux, le clan des adversaires de la transcendance est virulent et passablement irrespectueux. Je me demande s'il s'agit d'un réflexe conditionné anti-clérical ou de l'expression d'une angoisse larvée et par ailleurs compréhensible, comme s'ils se disaient avec rage que non, cela ne peut pas être, et que le sentiment d'apaisement qui peut provenir de toute perception de la contingence du monde (se dire qu'il y a peut-être quelque chose au delà de toute cette folie) leur parait une faiblesse ou une forme d'infériorité mentale.

Quoiqu'il en soit, il peut être intéressant, quoique difficile, de pratiquer une sorte de judo mental et d'utiliser l'énergie de son contradicteur pour se renforcer soi-même, au lieu de s'épuiser à convaincre une personne par essence bloquée sur ses certitudes, dans l'esprit de la citation de Lao Tseu.

Il est remarquable aussi que ce sujet suscite autant de passions. Preuve qu'un point infiniment sensible est touché, car un débat sur l'à-point de cuissons des pâtes ne produirait pas le même effet.