jeudi 21 février 2013

Khajuraho – Cité érotique

Je quitte à regret Varanasi avec la promesse au cœur d’y revenir encore et encore.

Après la rive animée du Gange, la campagne calme qui entoure le village de Khajuraho est la bienvenue. Et enfin, je sors de la brume froide pour un ciel bleu ensoleillé ! Ma chambre d’hôtel donne sur un ravissant jardin où je déjeune tardivement avant d’attaquer la visite des temples du « groupe ouest » tout proche.

IMG_0286.JPG

On vient à Khajuraho pour ses temples élevés par deux religions, le bouddhisme et le jaïnisme, au cours des Xème et XIème siècles sous la dynastie des rois Chandella. 22 d’entre eux (sur les 85 construits à l’origine) furent redécouverts au XIXème siècle au cœur de la jungle et sont aujourd’hui classés au patrimoine mondial de l’UNESCO.

L’anglais qui les redécouvrit, convaincu d’avoir fait là une découverte majeure, adressa à ses supérieurs un compte-rendu « à l’anglaise », où il qualifiait certains bas-reliefs desdits temples d'« un peu plus osés qu’il n’est absolument nécessaire ». Et effectivement, au milieu des frises finement sculptées représentant des épopées guerrières, des animaux ou des dieux et déesses, c’est le caractère fort érotique de certaines scènes représentées qui a fait la réputation de Khajuraho. A deux ou à plusieurs, quelques statues se donnent de la joie à quelques mètres du sol. Et c’est magnifique !


IMG_0175.JPG

IMG_0130.JPG

IMG_0228.JPG

IMG_0279.JPG

IMG_0182.JPG

IMG_0213.JPG

IMG_0211.JPG

Il y a de nombreuses belles, particulièrement girondes, qui se mirent ou s'apprêtent dans des positions suggestives, peut-être dans l'attente elles aussi d'un amant. Quant au soubassement des temples, les petites frises qui courent tout le long sont le lieu ou les artistes sculpteurs semblent s'être "lâchés", illustrant ce qu'on pourrait qualifier de "petite part*uze du XIème siècle". On y croise même quelques épisodes z**philes (je protège mon blog des recherches web un peu trop ciblées, d'où cette "orthographe" particulière de certains mots...). Une célébration de l’amour, du couple, et de la sexualité, dont on ignore la réelle signification : Illustration de la doctrine tantrique ou allégories ?…

IMG_0114.JPG

IMG_0137.JPG

IMG_0151.JPG

IMG_0240.JPG

En tous cas, dans le village de Khajuraho, on exploite le filon : les vendeurs de rue vous proposent le Kama-Sutra sous toutes les formes et dans toutes les langues. Et dans les boutiques de souvenirs, on trouve des objets qui feraient rougir des tenanciers d'échoppes de Pigalle. J'aurais pu notamment couvrir la porte de mon frigidaire de magnets très très laids et très très librement inspirés des sculptures des temples ! (qui auraient sûrement fait la joie de mes invités, mais je m'en serais vite lassée, je le crains).

Comme tous les lieux en Inde qui ne vivent que du tourisme (et on trouve à Khajuraho le village ancien et le nouveau qui s'est construit autour de la manne des temples du groupe ouest), on est assez facilement harcelé par les vendeurs de rue, de jeunes hommes désoeuvrés, et des enfants qui peuvent vous suivre sans relâche toute une journée en babillant à vos côtés. C'est un rien fatiguant de ne pouvoir faire un pas hors de son hôtel sans être immédiatement entourée et sollicitée de toutes parts... et pour le moins agaçant, je l'avoue. Mais ils n'ont que nous pour vivre, alors j'ai essayé au maximum de faire bonne figure, même en répondant cent fois aux mêmes questions la journée durant et même aux plus collants d'entre eux...

Deux jours cependant suffisent à faire la visite de ce lieu merveilleux. Je m'envole ensuite vers le soleil et la mer. Le Kerala ! Au revoir Khajuraho, j'ai passé ici un moment empreint de beauté, de sensualité et de délicatesse.

IMG_0259.JPG

vendredi 8 février 2013

Inde 4ème - Mumbai-Varanasi

21 décembre – Départ soulagé. Depuis septembre, le boulot s’accumule – agréablement, c’est toujours passionnant et ponctué de voyages : San Sebastian, Londres, Rome et… Rio de Janeiro dans les trois derniers mois - mais je suis en plein cœur d’une guerre sanglante (encore) contre Boulet, qui a cette fois dépassé les bornes de la malhonnêteté (et de l’abus de biens sociaux) mais je n’en parlerai pas ici, pas la peine de me mettre à nouveau les nerfs à vif à cause de ce triste sire (j’ai quand même, quelques jours auparavant, annoncé que j’allais chercher du boulot ailleurs à Boss, qui capitule un peu trop à mon goût devant Boulet, et qui me regarde depuis avec des airs de Calimero et me fait la danse des sept voiles sur l’air de « Ne me quitte pas »…).

Bref, je me dirige vers Roissy à la fois excitée et épuisée. Hâte de retrouver l’Inde bienfaisante qui m’a déjà plusieurs fois apaisée. Vol Royal Jordanian. Arrêt à Amman. Je manque louper la correspondance pour Mumbai (Bombay), car l’Iphone retarde d’une heure par rapport à l’horaire officiel jordanien et, plongée au cœur d’un passionnant bouquin, je ne m’affole et me précipite vers la porte d’embarquement qu’au tout dernier appel, n’ayant prêté qu’une attention distraite aux précédents…

J’arrive à Mumbai à l’aurore, surprise du peu de temps que met le taxi pour me conduire à l’hôtel que j’ai choisi sur Tripadvisor. Je n’avais pas compris qu’il était situé dans le quartier de Bandra, un quartier un peu excentré et plus proche de l’aéroport. Bandra est en fait le « boboland » de Mumbai : maisons cossues (dont celle de Shah Rukh Khan, paraît-il), cafés et restaurants branchés, magasins de fringues et chaussures plutôt chics, promenade de bord de mer où baguenaudent des jeunes filles en jean cramponnées à leur Iphone d’une main, tenant leur boy-friend de l’autre, lui-même arborant nonchalamment un Ipad dernier cri. Et une boutique de cupcakes tous les dix mètres ! Ce doit être le dernier truc trendy, sans doute. On est très loin du « slum » !

Enfin non, pas si loin. A peine tourné l’angle de deux rues après mon hôtel, je retrouve des scènes familières : les baraques de planches, de bâches et de cageots, des familles autour de feux allumés à même le trottoir jonché d’immondices où ils vivent sans doute, la misère quotidienne d’un autre Mumbai.

Je ne reste ici que 24 heures. Je sais d’expérience que les grandes villes de l’Inde me conviennent peu. Je préfère le calme des villages, du bord de mer, ou Varanasi (Bénarès), bien sûr. Je m’envole dès le lendemain pour la ville sacrée chère à mon cœur. A peine le temps d’un dîner indien arrosé d’une bière fraiche devant quelques palmiers qui me confirment que je suis bien partie pour ailleurs. Je me sens déjà beaucoup mieux.

IMG_0008.JPG

Varanasi la belle est embrumée. Et froide. Imperceptiblement changée, depuis cinq années. Un peu plus de jeunes filles habillées à l’occidentale, d’enfants chineurs, et de jeunes hommes en quête de femmes seules dans l’espoir d’un mariage et d’un départ vers l’Europe ou l’Amérique. Et les bateaux du Gange semblent désormais tous ou presque sponsorisés par des banques !

IMG_0019.JPG
IMG_0020.JPG

J’arpente les ghâts emmitouflée, passe mes nuits calfeutrée sous autant de choses chaudes que je peux. J’ai beau être bretonne et m’être baignée parfois un jour de Toussaint sur mes rivages, j’admire les indiens qui affrontent l’eau du Gange sans trembler. Moi je me contente de sécher mes cheveux le matin au vent du fleuve, sur la haute terrasse de ma jolie guest-house, les mains en couronne frileuse autour d’un chaï brûlant, bonheur de mes petits-déjeuners.

IMG_0014.JPG
IMG_0049.JPG

24 décembre. Je me fous éperdument de ne pas fêter Noël. Pourtant, à la puja du soir, je fais la connaissance de Loreleï, jeune femme française qui revient d’un séjour de quelques mois au Népal dans des conditions spartiates, s’apprête à passer encore deux ou trois mois en Inde, période de transition entre la fin de ses études et son entrée dans la vie active. C’est quelque chose que je regrette aujourd’hui de ne pas avoir fait, mais à l’époque, l’idée ne m’en avait pas effleurée et je ne sais pas si j’aurais eu ce cran-là à 20 ans et des poussières. Nous passerons joliment le soir de Noël ensemble devant une bière. Au retour à ma guest-house, je suis accueillie par des rythmes techno et un thali sympathique et bienvenu. Mais franchement, ils auraient pu nous épargner Céline Dion ! C’est bien la peine de partir si loin !

Ici, je ne fais guère autre chose qu’arpenter les ghâts d’un bout à l’autre de la ville. Je regarde, je respire, je me pose, je repars. C’est un spectacle permanent. Je m’attarde peu désormais sur les corps qui brûlent sur l’un des deux ghâts de crémation, ils font partie de la vie du fleuve au même titre que les enfants jouent et que les pèlerins s’y baignent ; ils font partie de la vie tout court.

Je déambule, je monte et je descends au gré des marches irrégulières, jamais lassée. Ici on croise des buffles débonnaires qui vont au bain, quelques singes voleurs, un sadhu qui se réchauffe à un feu de branchages, une femme pauvre enveloppée de rose qui vit sur une corniche de pierre abrupte où je la vois chaque jour. Et même un tournage Bollywood avec une cohorte de sadhus-figurants bien plus replets que les vrais. Je retrouve mon copain Atul, patron d’un joli restaurant-terrasse. Il y a cinq ans il m’avait fait visiter les temples alentours toute une journée, et accessoirement demandée en mariage. Nous nous donnons l’accolade aujourd’hui comme de vieux amis.

IMG_0025.JPG
IMG_0027.JPG
IMG_0021.JPG
IMG_0037.JPG

Le dernier soir, j’assiste à la puja tranquille d’Assi Ghât, moins spectaculaire et touristique que celle des ghâts centraux. Un seul jeune brahmane pratique les incantations rituelles et l’on sollicite les quelques spectateurs proches pour y participer : un homme vient déposer des pétales de fleurs dans mes mains que je referme sur leurs couleurs fragiles, en un geste de prière, réellement émue. Un peu plus tard, nous suivrons le brahmane jusqu’au fleuve pour y déposer cette offrande éphémère.

IMG_0052.JPG

Un peu avant, j’ai profité des premières mesures des cymbales cristallines de la puja pour m’en aller sur un bateau un peu au large du fleuve, flanquée de trois gamins qui m’avaient vendu les petites bougies traditionnelles que l’on offre au Gange, posées sur des corolles de fleurs. Ma cérémonie intime, répétée chaque fois ici. Douze bougies cette fois-ci, une pour chacun des disparus de ma vie dont je veux rappeler la mémoire ici, que je recommande avec amour, tendresse ou amitié à « Mother Ganga », le fleuve sacré qui prend soin des vivants et des morts. Les enfants les allument pour moi, recueillis aussi tout à coup, et me donnent avec précaution chaque flamme fragile que je confie au fil de l’eau. Elle est jolie et vaillante, ma petite guirlande de lumières qui s’enfuit au loin, portée par le courant.

Après la puja, j’ai encore une autre cérémonie qui m’attend, promise à moi-même : j’achète des guirlandes de fleurs, pour des attentions particulières. On les trouve en monceaux colorés à l’entrée du temple où elles sont destinées à être offertes à Shiva. C’est un charmant couple d’indiens qui m’explique cela, étonnés de voir une occidentale en acheter. Je leur explique pourquoi je souhaite les offrir au fleuve, demande si « j’ai le droit » et cela les fait rire. Ils en fixeront le prix au marchand pour moi. Un prix « indien ».

Dans l’obscurité, je vais m’agenouiller sur un petit promontoire au-dessus du fleuve, et je lance mes guirlandes au fleuve avec ferveur pour chacune de mes « intentions ». La première est pour A, jolie jeune femme fragile dont j’ai appris peu avant mon départ qu’elle s’était donné la mort. Il y en a une pour un bébé qui vient de naître, que je ne connais pas encore et dont j’aime tendrement les parents. La dernière… et bien la dernière est pour moi, pour que je laisse ici une vieille Traou fatiguée et qu’une toute nouvelle émerge de ce voyage-là prête à affronter les temps à venir avec espoir, énergie et créativité. Une meilleure Traou, j’espère…

Je remonte les escaliers vertigineux qui mènent jusqu’à ma guest-house, grimpe jusqu’à la terrasse où je vais déguster mon dernier dîner face aux lumières de Bénarès qui dessinent la courbe élégante du Gange. Je me penche et je les vois tout en bas mes guirlandes, bercées par le fleuve, voguant paresseusement ou filant au gré du courant. Celle d’A. est déjà loin et je lui souhaite bon chemin. Quant à la mienne, elle s’est lovée autour de l’amarre d’un bateau, près d’un autre promontoire et ses fleurs blanches forment un cœur dans le noir. Je souris et remercie l’invisible de cette attention pour moi. Je quitterai Varanasi demain plus légère. Et sûre d’y revenir encore. Je suis heureuse ici.

IMG_0073.JPG

dimanche 27 janvier 2013

Il y aura au moins un billet en 2013 !!!

Traou vous souhaite une année...

colorée,

IMG_0497-1.JPG

intrépide,

IMG_0325.JPG

épicée,

IMG_0629.JPG

hilarante,

IMG_0120-1.JPG

majestueuse,

3_inde_copie2.jpg

paisible,

IMG_0364.JPG

élégante,

IMG_0552.JPG

harmonieuse,

IMG_0625.JPG

sexy,

IMG_0269.JPG

délicate,

IMG_0405.JPG

romantique,

IMG_0336.JPG

solidaire,

IMG_0350.JPG

enchantée,

IMG_0606.JPG

tranquille,

IMG_0017.JPG

Et si j'ai un peu de temps et de courage... je mettrai en ligne mon carnet de ce quatrième voyage en Inde.

(Varkala / Odayam Beach – Fort Cochin – Khajuraho - Varanasi – INDE décembre 2012 / janvier 2013)

dimanche 16 novembre 2008

Bénarès blues

Je n’irai pas cette année. J’ai le blues de la ville sacrée.

Ils vont me manquer les ghâts ocres et jaunes, parfois voilés de saris multicolores séchant au soleil tiède du matin. Et le spectacle léger des cerfs-volants par centaines, voletant au gré des fumées des bûchers et des courses des enfants bruns, gais et sales, arrêtés parfois par un arbre tordu jailli d’un vieux palais en ruine, où ils resteront pendus pour une saison, fruits de papier.

J'ai le blues des bateaux roses et ciel qui s'alignent en guirlande de bois sur la courbe du fleuve, et du rythme des rames dans l'eau sombre à l'heure de la puja du soir...[1]

Je n’ai jamais réussi à reproduire, dans ma cuisine parisienne, le bonheur du chaï brûlant du petit matin, lapé à gorgées prudentes, assise sur une marche fraiche, heureuse et sans pensées, au cœur du spectacle du fleuve encore maquillé d’un voile de brume.

Je ne flânerai pas, tranquille, dans le dédale de ruelles odorantes et envahies de monde, maculées de bouses de vache que de nombreuses petites mains ramassent et forment en galettes qui sèchent à la verticale sur les murs des maisons, avant de retrouver les fours des restaurants où elles cuisent les succulents thalis.

J’ai la nostalgie de mon balcon miniature sur le fleuve, dans une maison rouge fièrement dressée sur Mansarovar Ghât, où un homme en dhôti immaculé venait baigner ses buffles le matin.

J'aurais aimé retrouver les sadhus vêtus d'orange et d'or, le visage blanchi de cendre, au regard un rien inquiétant de ceux qui savent des choses que l'on ne sait pas.

Ils vont infiniment me manquer les hommes et les femmes des ghâts, leur regard inquisiteur et bienveillant, et les yeux tristes ou insolents des enfants qui quémandent des roupies. Et tous les animaux des ghâts : les petites chèvres vêtues de pulls-over, les vaches maigres et les chiots nouveaux-nés gambadant partout, encore nourris par leur mère, pas encore affamés...

Je me souviens de ma première nuit de l’an passé dans la maison rouge, sur le matelas dur comme pierre de la chambre du rez-de-chaussée, avant que celle au balcon haut perché ne se libère le lendemain. Les chiens des ghâts, pauvres hères efflanqués et pelés, livrés à eux-mêmes sans pitié, s’y battent férocement la nuit pour le peu de nourriture qu’ils peuvent y trouver. Je dormais par intermittence, réveillée en sursaut trop souvent par les aboiements guerriers et les cris de douleur des vaincus, là, à quelques mètres de mon lit, de l’autre côté de la mince fenêtre. Le cœur battant de peur, poursuivie par des cauchemars hurlants quand je parvenais à m’assoupir un peu, calme retrouvé seulement au petit matin quand le soleil cherchait déjà mon visage qui tentait de le fuir d’un oreiller à l’autre.

Je ne saurai vraiment dire pourquoi l’Inde me manque tant, comme une soif non assouvie. Je me languis de ce pays si loin de moi où je me suis sentie autant étrangère que bienvenue. Bénarès m'a accueillie comme un insolite et évident chez moi, où vie et mort se trouvent entremêlées le plus naturellement du monde, apaisée du simple fait d’être là. L’Inde m’a fait le cadeau de moi-même, révélateur d’une paix possible, d’un recul par rapport aux tourments que nous invente trop l’Occident.

A la place, je vais retrouver mon autre chez moi, tout au bout de la terre où j’espère migrer bientôt. Deux semaines à Crozon, face à la mer, paisible comme je le suis face au Gange si large qu’on n’en voit pas l’autre rive parfois dans la brume. C’est pour cela peut-être que je trouve dans la contemplation du Fleuve sacré le même sentiment d’infini et d’infinie plénitude que devant l’océan de chez moi.

Bénarès

palais

l'arbre aux cerfs-volants

maison rouge de Mansarovar ghât

sadhu

sadhu

femmes de Bénarès

Bénarès

enfant sur les ghâts

chèvre

puja du soir

Notes

[1] puja = prière

dimanche 13 janvier 2008

Retour

J’ai poussé la porte de chez moi vendredi soir tard. Impression d’être partie depuis bien plus longtemps que deux semaines tellement je me suis déconnectée d’ici.
Mon bagage, lui, a décidé de poursuivre ses vacances quelque part entre Delhi et Paris : il a sans doute loupé la correspondance à Londres et erre dans les méandres gigantesques d’Heathrow pour une durée inconnue et que j’espère aussi courte que possible. Pas très grave pour l’instant : il ne transportait que des fringues d’été (sales de surcroît). Une bonne excuse pour aller fouiner dans les soldes samedi pour trouver quand même quelques culottes de remplacement.

On est déjà presque mi-janvier et j’ai à peine vu démarrer 2008. J’aime assez cette habitude prise depuis 3 années de ne pas fêter facticement un changement de millésime somme toute sans grande importance. Pour ma part, le « réveillon » a consisté cette année en un film à la télé dans une chambre d’hôtel de Calcutta accompagné d’une bière (la fête !). A minuit, les pétards ont couvert pendant quelques minutes le bruit habituel des klaxons. A Paris, il était 19h30 seulement.

De ces deux semaines indiennes, je reviens paisible et reposée, les idées comme remises en place, avec le sentiment renouvelé d’aimer infiniment ce pays et le projet d’y retourner encore et encore. Là comme ça, tout de suite, quelques images, sons, impressions en vrac de ces vacances colorées :

A Kolkata (Calcutta), des ados lavant leur linge gaiement au-dessus de l’évacuation des égouts

Kolkata

Au cœur d’une interminable procession sikh, un jeune homme au turban rouge et aux yeux d’or

Kolkata

Et la fatigue d’un rickshaw-puller, une vie entière à gagner quelques roupies à la force de ses seuls bras et jambes

Kolkata

A Bodhgaya, la ferveur et la beauté des prières psalmodiées par des pèlerins venus de toute l’Asie, et le regard grave d’un enfant moine

Bodhgaya

Bodhgaya

Bodhgaya

A Varanasi, que je préfère sous le nom de Bénarès, ville magique si chère à mon cœur cette année encore, la vue du Gange du haut de mon balcon miniature, au travers d'un grillage peu esthétique mais bienvenu pour éviter l’invasion de la chambre par les singes

Bénarès

Sur le bateau de Gopal, la cérémonie des bougies du soir, un vœu pour chacune avant de les confier à Mother Ganga

Bénarès

et le rire et les cabrioles de la petite Artie qui venait glisser sa menotte dans ma main chaque fois qu'elle me voyait passer devant l'éventaire de perles de verres multicolores de sa maman pour m'y amener prendre le chaï (thé indien au lait et aux épices) offert chaque fois. Je porte aujourd'hui-même le collier fait spécialement à mon attention par Suneeta, cadeau émouvant avant mon départ...

Bénarès

J'ai été rattrapée par l'actualité, parfois, au cours de ce voyage : 27 décembre, dans un Boeing quelque part au-dessus des montagnes d’Afghanistan, j’apprends l’assassinat de Benazir Bhuto sur le petit écran fixé au dossier du fauteuil devant moi, qui diffuse des news entre deux films Bollywood. Et à mon escale londonienne du retour, les journaux m'apprennent la libération de Clara Rojas et Consuelo Gonzales.

Et puis, on n'est vraiment tranquille nulle part, le 1er janvier à Calcutta, le journal du matin m'offrait ceci, je vous le donne en mille :

Une

avec le titre "Will an Indian leader dare do this in 2008 ?", et juste en dessous de la photo ce commentaire qui m'a fait rire : "The French media has speculated that Sarkozy is parading his new girlfriend as a diversion from a series of negative headlines - a reason compelling enough for Indian politicians to try out the same tactic here."

Allez, je n'ai pas envie de finir là-dessus, je vous souhaite une très belle année 2008 à tous et vous offre pour l'inaugurer un lever de soleil sur le Gange, à l'heure où il convient à cette époque de l'année sur les ghâts de Bénarès de se réchauffer d’un châle de laine et d’un chaï brûlant. Tiens, j'y retournerais volontiers maintenant...

Bénarès

jeudi 27 décembre 2007

Départ imminent

Je prends l'avion tout à l'heure.
Delhi, puis Calcutta (Kolkata), puis Bodhgaya, puis Bénarès (Varanasi).
Ces derniers jours dans ma Bretagne de Noël si belle et calme, j'ai eu un avant-goût de l'Inde : je me suis offert le coffret DVD des films documentaires que Louis Malle à réalisé en Inde en 1967/68. 7 films de 52' chacun regroupés sous le titre "L'Inde fantôme" et un film de 98' intitulé "Calcutta". Pas eu le temps de tout voir. Pas le temps non plus d'en parler ici. J'en ai juste saisi la délicatesse du regard du réalisateur, s'interrogeant sans cesse sur la vérité ou le mensonge de celui-ci sur l'Inde et ses habitants, sur sa perpétuelle remise en cause et son refus de la "mise en scène" de ce qu'il voit. Enfin, sur le sentiment profond d'être à jamais étranger à ce pays, de ne pouvoir jamais y pénétrer ni le comprendre tout à fait.

L'Inde fantôme

C'est sans doute pour cela qu'on retourne et retourne encore en Inde, pour essayer de comprendre au moins un tout petit peu.

A bientôt et bonne fin d'année à tous (et je ferme les commentaires le temps de mon absence).

dimanche 25 novembre 2007

Zèbre Victor Papa Tango Québec Charlie

Ca commence par quelques lettres bizarrement assemblées : un numéro de dossier. ZVPTQC. La dame du téléphone demande de soigneusement les noter : Zèbre – Victor – Papa – Tango – Québec – Charlie. Le rêve commence par ce drôle de mot de passe.

J’avais dit pas cette année. Trop de plomberie, de toiture et d’ascenseur à payer. Mais la plomberie, l’ascenseur, la toiture, ça ne me fait pas bien rêver. Pas comme ces bons vieux Zèbre – Victor – Papa – Tango – Québec – Charlie. Alors tant pis, soyons déraisonnable, c’est mon luxe, qui n'engage que moi !

Les noms commencent à flotter dans ma tête comme des promesses. Dans un mois, je m’envole avec mes copains Victor et Charlie. Ils m’emmènent à Calcutta pour y réveillonner. Je saluerai la naissance de 2008 au bord du Gange. J’ai réservé un balcon sur le fleuve sacré à Bénarès-la-magique, où je m'étais promis de revenir.

La préparation du voyage est presque aussi belle que le voyage lui-même. L’excitation de la découverte, la joie de revoir des lieux aimés.

Inde, troisième... Je suis heureuse de te retrouver.

Bénarès

jeudi 1 mars 2007

Inde 2è - Auroville

Je quitte Varanasi/Bénarès à regret.

Direction Chennai (anciennement Madras), à trois heures d’avion de là, où je ne m’arrêterai pas. Une voiture m’attend à l’aéroport. Quatre/cinq heures de route en direction de Pondichéry. Je fais halte une dizaine de kilomètres avant. Ma destination finale s’appelle Auroville. Les désirs de Fauvette étant des ordres :-) voici une carte avec mon itinéraire depuis le début.

carte Inde

J’ignorais tout d’Auroville il y a encore quelques mois. J’avais envie de me reposer un peu après mon trimestre trépidant et des amis familiers de la région m’avaient conseillé quelques guest-houses tranquilles dans les arbres ou sur la plage. Exactement ce qu’il me fallait.

J’ai entendu beaucoup de choses sur Auroville avant d’y aller. L’assertion revenant la plus souvent étant : « C’est une secte ! », ce contre quoi je m’insurge absolument. J’ai noté que ceux qui m’en ont parlé le plus négativement étaient le plus souvent, d'ailleurs, ceux qui n’y avaient jamais mis les pieds…

Auroville est une sorte d’utopie à l’œuvre. Une ville créée de toutes pièces il y a près de 40 ans à l’initiative de « La Mère », la compagne de Sri Aurobindo dont l’ashram est à Pondichéry, et qui lui donne son nom. Elle a été inaugurée le 28 février 1968 en présence de représentants de 124 pays et de 23 états de l'Inde, lesquels avaient apporté chacun une poignée de terre de leur pays, rassemblées dans une urne au centre d’Auroville, pour signifier que la ville n'appartiendrait à aucune nation en particulier mais à l'ensemble de l'humanité. Cette expérience communautaire est reconnue par l'Unesco.

Sur le site internet d'Auroville, on lit en introduction ce résumé du projet aurovillien :

"Auroville se veut une cité universelle où hommes et femmes de tous pays doivent pouvoir vivre en paix et en harmonie progressive, au-dessus de toute croyance, de toute politique et de toute nationalité. Le but d'Auroville est de réaliser l'unité humaine."

Concrètement, les habitants, regroupés en communautés, centrent leurs activités et leurs recherches sur la régénération de l'environnement, l'agriculture organique, l'énergie renouvelable, le développement des villages, l'artisanat, les soins de santé les échanges interculturels... Au coeur de l'expérience aurovillienne : la recherche d'une économie sans argent et d'une organisation sans hiérarchie...

La ville a été construite sur le modèle d’une galaxie, rayonnant à partir d’un centre occupé par le « Matrimandir », "l'âme" d'Auroville, un lieu de méditation et de recueillement, qui n'est relié à aucune religion. Son nom même renvoie à l'idée de "mère universelle". Quant à la symbolique de sa construction, des 12 "pétales" qui l'entourent, je vous renvoie au site d'Auroville pour de plus amples explications, c'est assez long et complexe.

maquette Auroville

En haut du Matrimandir, qui ressemble quand même fichtrement à une balle de golf dorée (c'est vraiment de l'or, au fait : un système exclusif et allemand qui insère une feuille d'or entre deux plaques de verre), on trouve la "chambre intérieure", à laquelle on ne peut accéder que si l'on est résident d'Auroville, et après une session d'information au visitor's center (une expo, un petit film, une première simple visite des jardins, ensuite on a le droit de prendre rendez-vous pour le jour d'après, ça se mérite). Il s'agit d'une pièce toute blanche, construite d'après une vision de la Mère, sans fleurs, ni statues, ni encens, rien que le silence et le blanc. On distribue des chaussettes blanches à tous les visiteurs et on est priés de ne toucher à rien... A l'intérieur de cette pièce circulaire, 12 piliers blancs en cercle, et au centre, une énorme boule de cristal capte la lumière du soleil qui tombe à la verticale du plafond ouvert sur l'extérieur. C'est très beau. Et sûrement très serein quand il n'y a pas de marteaux-piqueurs tout autour ! (ils essaient de finir le Matrimandir pour le 40è anniversaire, l'année prochaine, il est en travaux depuis plus de 30 ans...). J'y ai connu quelques secondes d'un silence rare et appréciable, quand même.

Matrimandir

A Auroville on peut prendre des cours de tai-chi, de yoga "intégral" (celui d'Aurobindo, "qui commence là où le yoga finit", ne m'en demandez pas plus, je connais très mal Aurobindo et ne pratique pas le yoga, ni intégral ni autre), on peut faire des sessions de "danse intégration avec les 5 éléments", de "Vedic mathematics" et de "Vedic astrology". On y croise des masseurs ayurvédiques et des lecteurs d'aura. Tout est orienté partout pour le bien-être et l'éveil du corps, de l'âme, des sens, de la conscience... Bon, il faut être un peu branché sur ce genre de disciplines, sinon je conçois que ça puisse faire sourire. J'avoue que moi-même la danse avec les cocotiers, les oiseaux et le sable... (authentique).

La ville était prévue au départ pour accueillir 50 000 habitants. Ils sont aujourd’hui… 1 800. Et c’est peut-être là que le bât blesse et que la question se pose : 40 ans après, doit-on considérer Auroville comme un échec, à l’aune de son peu de fréquentation ?

J’ai passé une semaine entière à Auroville. C’est trop peu, sans doute pour se rendre vraiment compte, mais j’en garde un sentiment mitigé : j’ai trouvé là le havre de paix que je cherchais, une petite maison perdue au milieu des arbres, la mer pas très loin. J’y ai rencontré des êtres humains formidables, accueillants et généreux, au cœur de très réelles et sincères démarches spirituelles, désireux de faire d’Auroville un modèle d’humanité et s’y employant.

Je pense qu’Auroville a une réelle influence positive sur son environnement, avec notamment une aide à la scolarisation ou l’équipement des villages alentours. La ville et ses infrastructures ont également créé des emplois pour la population locale. Il y a là un vrai projet de vie, un projet écologique, social, humain. Mais…

Mais j’avoue que j’ai été quelque peu dérangée par le déséquilibre que l’on observe un peu partout à Auroville : Il y a là-bas des maisons fabuleuses, grandes, belles, perdues dans la nature, aux architectures parfois fantasques ou spectaculaires. Ceux qui les habitent sont des occidentaux en majeure partie : canadiens, allemands, italiens, français, hollandais, etc… Et les indiens occupent les emplois d’intendance, sont à leur service. Certains jours, au-delà de la fraternité qui a l’air de régner en ce lieu la plus grande partie du temps (ce sont des humains, aussi, il y a des frictions comme partout), je me suis surprise à me demander si ce projet n’était pas après tout une autre forme de colonisation…

Et je n’ai pu m’empêcher de me demander aussi s’il était bien nécessaire d’investir les sommes folles qui ont sûrement été englouties dans l’achat des terres et la construction des édifices communs, en particulier le Matrimandir, pour ce qui n’est somme toute désormais qu’un village de moins de 2000 âmes et donc pas du tout la ville qui était prévue au départ… Même s'il s'agit de donations privées. Je suis un peu perplexe, j’avoue.

Je ne crois pas que je retournerai à Auroville. J'y ai trouvé le calme, un cadre magnifique. Je ne dédaigne pas de trouver un paon perché devant ma porte quand je me lève le matin. J'y ai croisé de beaux êtres qui m'ont parlé avec émotion et sincérité de leur expérience et de leur foi en ce projet que certains accompagnaient depuis l'origine, leurs enfants et petits-enfants nés à Auroville.

paon

Mais ce n'est pas l'Inde. C'est une parenthèse en Inde, une enclave à part et coupée du reste du pays. Si je retourne en Inde, ce sera à Bénarès ou d'autres endroits qui me parlent plus. D'Auroville, je garderai quand même l'image d'un arbre sans âge que je ne connaissais pas : le banyan qui marque le centre d'Auroville, juste à côté du Matrimandir. Cet arbre est symbole d'éternité car quand une de ses branches qui ploie touche le sol, elle y plonge et y fait naître les racines d'un nouvel arbre. Un banyan est donc entouré d'une forêt de ses "enfants" tous reliés à lui et qui vont eux-mêmes s'étendre à l'infini. J'ai trouvé à l'ombre de cet arbre un calme plus grand que dans la chambre de méditation.

Banyan

Et plus proche de la vie de l'Inde que j'aime côtoyer, je garderai l'image de ma petite choupette vendeuse de poissons plein de mouches, sur la route de la mer, que mettait en joie les photos d'elle que je lui montrais sur le petit écran de mon appareil. Ma dernière et plus jolie image de l'Inde.

marchande de poissons

dimanche 18 février 2007

Inde 2è - Varanasi

31 décembre – Je quitte Agra, ses splendeurs et ses marchands du temple qui vous harcèlent sans fin dans les rues, là où les rickshaws sont les plus chers de toute l’Inde et n’hésitent pas à vous amener là où ILS le souhaitent, boutique ou restaurant, en vous faisant carrément savoir que si vous n’acceptez pas de manger ou d’acheter là, ils ne percevront pas de commission et ne nourriront pas leur famille…

Je m’apprête à passer ma nuit de réveillon dans un train pour Varanasi, autrefois Bénarès. Comme je suis moyennement aventurière, j’ai pris une réservation en première. Je ne me vois pas passer la nuit enchainée à mon sac (les chaines se vendent sur le quai de la gare). On ne m’a pas trouvé de place dans le direct Agra-Varanasi, alors j’ai opté pour le Tundla-Mughal Sarai, deux gares plus petites à une vingtaine de kilomètres chacune des principales. J’arrive tôt, le train est en retard : quelques heures d’attente sur un quai de gare indien un soir de 31 décembre, c’est un peu blafard. L’éclairage est coupé régulièrement. Quand la lumière se rallume, elle ranime en même temps les milliers d’oiseaux qui crèchent au-dessus des quais et se mettent à hurler de joie. Si j’ai mis un voile sur ma tête, c’est autant pour essayer de passer un peu plus inaperçue car on me regarde comme une extra-terrestre, que pour éviter d’avoir des chiures d’oiseau plein les cheveux. Des enfants viennent plus près de moi pour contempler l’étrange créature que je suis. Je leur offre des petits porte-clés Tour Eiffel que j’emporte partout avec moi. Une femme avec un bébé me pose les questions rituelles : « D’où je viens ? Est-ce que je suis mariée ? Des enfants ? Est-ce que je vis avec mes parents en France ». Mes réponses négatives la plongent dans la plus extrême perplexité. Une femme seule est une sorte d’aberration, ici.

Cinq heures du matin, j’arrive à Mughal Sarai dans le froid et le brouillard du matin du premier jour de l’année. J’ai reçu quelques sms en direct de fêtes parisiennes, cela paraît loin, loin. Pas de voitures, j’accepte la proposition d’un conducteur de rickshaw et m’enveloppe de tout ce que j’ai de plus chaud, car je m’apprête à rouler pendant près de deux heures dans l’air froid et les cahots.

J’avoue que c’est le seul moment du voyage où je me suis dit qu’il pourrait m’arriver n’importe quoi, que je pourrais disparaître là sans que personne ne sache jamais ce qui me serait arrivé… Nous roulons dans la purée de pois la plus épaisse que j’ai jamais vue. Comment discerne-t-il les courbes des virages ? Mystère. Où m’emmène-t-il ? Ce pourrait être n’importe où. Au milieu du chemin, le conducteur fait une tentative pour m’extorquer le double du prix de la course que nous avons négocié avant de partir. Il s’arrête au beau milieu de tout ce blanc et m’annonce un nouveau tarif. J’ai un peu l’habitude et je campe fermement sur ma position. J’en mène moins large que je parais : et s’il lui prenait l’envie de me larguer là, au beau milieu de nulle part ? Mais non, il repart, de mauvaise humeur, mais il repart. A l’arrivée, il portera même mon sac dans le dédale de ruelles où se trouve mon hôtel, et je le gratifie d’une substantielle prime.

J’ai choisi un hôtel dans la vieille ville, le Chowk, en haut d’un ghât. Les ghâts, ce sont les escaliers qui longent toute la rive ouest du Gange, où est bâtie Bénarès, que j’ai du mal à appeler par son nouveau nom, Varanasi. En ce premier matin, comme ma chambre n’est pas encore libérée par les fêtards de la veille, j’y ferais ma première promenade, fatiguée mais immédiatement heureuse d’être là. J’ai aimé Bénarès à la première seconde et chaque instant dans cette ville a été émotion…

Bénarès

Bénarès

La ville est dédiée à Shiva, et des milliers de pèlerins y viennent de partout pour faire leurs ablutions dans le Gange, le fleuve sacré. Il n’y a rien à « voir » de particulier à Bénarès, pas de monuments, à part le Golden Temple qui est interdit aux non-hindous… Il n’y a là rien d’autre à faire qu’à marcher, regarder, s’asseoir au bord de l’eau, sentir les effluves du Gange, en suivre la courbe en arpentant les ghâts ou bien en bateau, se mêler à la vie bruissante du bord du fleuve. Certains se lavent, prient, font la lessive, baignent leurs buffles, pendant que les enfants jouent au cerf-volant. On y croise des sadhus vêtus d’orange, pour certains impressionnants. Il y a des barbiers qui peuvent vous raser la tête si vous le souhaitez (j'ai vu quelques occidentales le faire...), des hommes, des femmes, des enfants qui fabriquent des galettes de bouse de vache (denrée abondante) qui sèchent au soleil et dont je ne sais pas bien à quoi elles servent. Il y a aussi, parmi d'autres attractions, un charmeur de serpents qui guette le touriste. On est sollicité sans fin par des vendeurs de cartes postales ou de colliers bariolés, des enfants qui vous demandent votre nom et d’où vous venez. Ceux-là ne savent sans doute ni lire ni écrire, mais parlent les langues de tous les touristes qu’ils ont rencontrés dans leur courte vie. Même si leur vocabulaire est parfois surprenant. Quand j’annonce que je suis française, la question rituelle est « Paris ? Lyon ? Bordeaux ? », suivie d’un non moins rituel « France ! Oh la la ! » et d’un éclat de rire. Ensuite ils égrènent toutes les expressions en français qu’ils connaissent, et qui sont sûrement celles qu’ils entendent le plus fréquemment, c'est-à-dire : « Fous-moi la paix », « Lâche moi les baskets » « Laissez-moi tranquille »… et ainsi de suite. Il faut croire que certains touristes perdent vite patience devant leurs sollicitations (harcèlement ?) permanentes…

Bénarès

Bénarès

Bénarès

Bénarès

Bénarès

Bénarès

Bénarès

sadhu

sadhu

On peut aussi se perdre dans le Chowk, un dédale de ruelles minuscules et d’échoppes miniatures, ou l’on paie 1 ou 2 roupies pour un verre de chaï brûlant servi dans un petit récipient en terre que l’on jette ensuite au sol où il sera réduit en poussière par la foule ininterrompue de gens et de vaches, plus nombreuses ici qu’ailleurs. Il arrive fréquemment dans ces venelles exiguës que l’on doive se plaquer contre un mur pour laisser passer un de ces sympathiques et bien maigres ruminants ou bien un corps enveloppé d’un linceul doré, posé sur une civière que quelques hommes emmènent au pas de course vers un ghât de crémation.

Et oui, ici, c’est aussi la ville où les hindous viennent mourir. Deux ghâts sont consacrés aux crémations. Le feu y est allumé sans interruption et j’ai vu parfois jusqu’à 20 bûchers brûler en même temps, d’autres corps posés au sol attendant qu’un emplacement se libère.

ghât crémation

Je peux concevoir que cet endroit choque notre perception occidentale de la mort, chez nous si cachée, si aseptisée, si tabou. Pour ma part, je crois que c’est ce qui a fait que je me suis sentie si bien à Bénarès, si paisible. J’y ai trouvé la Vie enfin représentée dans son ensemble, du début à la fin. La mort y est très naturellement intégrée. Cela m’a si souvent manqué, chez nous.

Sur les ghâts de crémation, les corps sont amenés, enveloppés de linceuls dorés, recouverts de guirlandes de fleurs orange. On les immerge dans le Gange, parfois on dégage la tête pour donner à boire au mort une dernière gorgée d’eau du fleuve sacré (cela fait partie du rituel des ablutions des vivants). Ensuite, il attend son bûcher sur la berge, et les petites chèvres ravies viennent chiper les guirlandes de fleurs pour les manger. Dans les rues du Chowk alentour, on vend du bois, toutes sortes de bois. Il s’entasse aussi sur des bateaux devant le ghât, en quantité impressionnante. Le plus cher est le bois de santal, qui sent si bon en brulant mais que toutes les familles n’ont pas les moyens de s’offrir. Toutes les familles n’ont d’ailleurs pas les moyens de payer l’intégralité du bois nécessaire pour brûler un corps entier (environ trois heures de temps), alors les restes sont jetés dans le fleuve, paraît-il. Personnellement je n’en ai pas vu.

Bénarès

Ce qui est ici incroyable, c’est que l’activité de crémation est partie intégrante de la vie du bord du fleuve, au même titre que toute autre activité quotidienne : à quelques mètres des bûchers on trouve les lavoirs et les saris qui sèchent au soleil. Les cerfs-volants des enfants entremêlent leurs fils aux fumées qui s’élèvent, les conversations sont animées et parfois rieuses sur la berge des bûchers, réservée aux hommes de la famille des défunts. Et un matin sur un canot rose, le batelier s’est arrêté pour discuter avec un confrère d’un canot bleu. Nous sommes restés là quelques instants, tous proches d’un bûcher d’où dépassaient deux pieds plus ou moins revêtus encore de leur linceul. Et tout cela paraît si naturel…

lessive sur les ghâts

lessive sur les ghâts

lessive sur les ghâts

lessive sur les ghâts

lessive sur les ghâts

Je reviendrai à Bénarès, sans aucun doute, pour y rester quelque temps, j'espère. Le dernier soir, à l'heure de la puja (la prière bi-quotidienne, un peu trop mise en scène à mon goût sur le ghât principal...) j'ai acheté à des gamines de petites bougies posées sur des pétales de fleurs, dans de petits récipients que l'on confie au Gange, où ils vont rejoindre des milliers d'autres qui emportent des voeux au fil de l'eau. L'un de mes voeux à moi était celui-là : revenir ici.

Bénarès

Bénarès

voeu

dimanche 4 février 2007

Inde 2è - Les merveilles d'Agra

30 décembre. Arrivée à Agra en fin de journée. Je fais mes adieux à Farooq qui me confie à un conducteur de vélo-rickshaw et négocie le tarif pour moi : 20 roupies, pas plus. Cela m’aurait sans doute coûté dix fois plus si j’avais parlementé moi-même. En effet, Farooq ne peut me conduire jusqu’à mon hôtel : je l’ai choisi tout proche du Taj Mahal, et depuis quelques années toute circulation est interdite auprès de la merveille dans un rayon de quatre kilomètres, pour cause de pollution qui en menace le marbre blanc. Les abords sont sévèrement gardés : barrières et police. On ne passe pas.

Je m’installe pour la soirée dans un hôtel inhabituellement calme pour l’Inde : pas de voitures klaxonnantes à proximité, une rareté. Je me couche tôt après avoir espéré une douche chaude, mais je dois me contenter d’un seau d’eau bouillante livré de la cuisine. Comme souvent ici, le seul chauffe-eau de la maison y est installé. Il ne ferait pas si froid, cela me serait égal, mais ma crève carabinée ne s’arrange pas. Je me couche tôt, emmitouflée dans mes polaires, badigeonnée de Vicks Vap*rub. Le réveil est programmé aux aurores le lendemain.

Le site du Taj Mahal ouvre à 6 heures du matin, et je ne saurais trop recommander aux futurs visiteurs d’y aller dès le lever du jour. Pour ma part, je m’y suis pointée aux premières lueurs, 7 heures en hiver, avant c’est inutile. Et après, ce sont des files d’attente ininterrompues jusqu’au soir, aux trois portes d’accès.

Ce qui est très étonnant avec le Taj Mahal, c’est qu’on ne l’aperçoit de nulle part, comme on voit la Tour Eiffel de presque partout dans Paris. Il faut aller le débusquer dans son enceinte. Passé le premier guichet, on se dirige vers une porte monumentale et somptueuse, rouge, incrustée de motifs de marbre. On passe sous l’arche et Il est là, apparu soudainement dans la brume du matin. Et c’est à couper le souffle.

Porte du Taj

Porte du Taj

Taj Mahal

Taj Mahal

Le Taj Mahal, c’est un cygne de marbre, élancé, majestueux, aérien. Malgré ses dimensions impressionnantes, on dirait qu’il flotte sur le plan d’eau dans lequel il se reflète, et sa symétrie parfaite est le plus harmonieux des poèmes pour mes yeux qui n’en reviennent pas. Il y a de ces cadeaux, parfois, auquels on ne peut croire.

Les autorités en charge du Taj ont eu la délicate attention, tout l’hiver je suppose, de dispenser les visiteurs d’enlever leurs chaussures pour y accéder, comme on doit le faire pour tout temple, mausolée, ou mosquée. Il fait un froid polaire. Les visiteurs matinaux sont équipés de coupe-vents et d’écharpes multiples, et les meilleures chaussettes même superposées, ne nous protégeraient pas de la glace du marbre blanc sous nos pieds. On nous donne donc des couvre-pieds munis d’élastiques, pour envelopper nos chaussures, ce qui est plus confortable bien qu'inesthétique : on a tous l'air de visiter les soins intensifs d'un hôpital et certainement pas l'un des plus beaux sites de la planète. Bref.

L’histoire du Taj Mahal est celle d’un amour brusquement interrompu (même si certains historiens remettent sérieusement en question cette légende, c’est celle que je préfère retenir). Celle de l’empereur Shah Jahan, dévasté de douleur après la mort de son épouse, et qui fit construire pour l’ensevelir le plus beau mausolée du monde. On dit qu’il fit tuer la fiancée de l’architecte choisi, pour que celui-ci comprenne bien la douleur qui devait l’inspirer… On dit aussi que parmi les 20 000 ouvriers qui l’édifièrent pendant 20 ans, certains furent ensuite amputés des mains ou des pouces pour ne jamais reproduire cette splendeur et ses secrets.

Taj

Taj

Taj

Taj

Le Taj Mahal est rigoureusement symétrique : le corps central aux quatre côtés identiques est encadré de quatre minarets à chaque angle. De part et d’autre, deux mosquées de grès rouge, dont l’une purement décorative (elle est orientée dans la mauvaise direction et ne peut donc avoir de fonction religieuse) construites pour respecter la symétrie autour du tombeau de la reine.

mosquée Taj

mosquée Taj

La seule dissymétrie de l’ensemble est à l’intérieur : Shah Jahan avait prévu de construire son propre mausolée en face du Taj Mahal, sur l’autre rive de la rivière Yamuna au bord de laquelle il est érigé. Or, son fils Aurangzeb, qui avait par ailleurs fait emprisonner son père huit ans avant sa mort pour prendre le pouvoir, n’avait cure de respecter les souhaits de symétrie post-mortem de son géniteur et fit enterrer celui-ci à côté de son épouse bien-aimée, détruisant la symétrie du lieu. Les deux cénotaphes ainsi accolés ne contiennent d’ailleurs pas les corps des deux époux ; ceux-ci étaient enterrés dans la crypte souterraine qu’on ne visite plus pour cause d’inondation.

Taj

Je me suis promenée pendant plus de deux heures autour du célèbre tombeau, de ses jardins paisibles aux mosquées l’entourant, avant que le gros de la foule n’arrive. A côté de la mosquée est, un incongru panneau lumineux mesure seconde par seconde la pollution ambiante, cassant un peu la magie…

Taj

Taj

Et pourtant, et pourtant, à Agra, ce n'est pas le Taj qui restera le plus marqué dans mon souvenir. A portée de vélo-rickshaw (qui sont équipés en téléphone portable...) on trouve Le Fort Rouge, là aussi, plus beau que celui de Delhi, là même où était emprisonné Shah Jahan, dans une geôle de marbre sublime, avec vue imprenable sur le Taj Mahal qu'il avait fait construire.

Fort Rouge

Fort Rouge

Fort Rouge

Fort Rouge

Fort Rouge

Fort Rouge

Fort Rouge

Fort Rouge

Fort Rouge

Et de l'autre côté de la Yamuna, après une traversée cahotante du Pont d'Agra, en dessous duquel reposent des tribus de buffles au milieu du linge qui sèche sur la rive, on arrive à un autre mausolée, celui d'Itimad-ud-Daulah, plus communément appelé "Baby Taj". Plus petit que le Taj Mahal, il lui est antérieur (1628), et est à l'initiative d'une femme, la poétesse Nur Jahan. Baby Taj, je dois l'avouer, m'a tiré des larmes d'émotion devant cette dentelle, ces dessins, cette pure poésie de marbre multicolore.

Pont d'Agra

Baby Taj

Baby Taj

Baby Taj

Baby Taj

Baby Taj

Baby Taj

Baby Taj

Baby Taj

Baby Taj

Baby Taj

Baby Taj

vendredi 26 janvier 2007

Inde 2è - Sur la route de Jaipur

29 décembre - Pas fâchée de quitter Delhi et le très très bruyant Main Bazar. Toute la nuit se sont enchainés aboiements et bagarres de chiens, percussions et chants, cris et rires d'enfants, et j'ai fini par aller demander à trois heures du mat' à mon voisin de palier s'il envisageait de cesser de poncer le mur de sa salle de bains mitoyenne de la mienne (?). Je me réveille avec la gorge qui pique méchamment, hum, hum, c'est qu'il ne fait pas chaud à Delhi...

J'embarque avec Farooq, qui sera mon adorable chauffeur pour les 2 jours à venir, dans une petite Tata blanche (Tata, c'est la plus grande famille indienne, des constructeurs de camions et voitures, dont l'empire est immense, le Citroën indien, à l'échelle d'un milliard d'habitants...). Au lieu de filer en train de Delhi à Agra comme j'en avais l'intention, je prends le chemin des écoliers et fait un crochet par le Rajasthan. Je n'en aurai certes qu'un bref aperçu, juste de quoi me donner envie de revenir plus longuement.

Je gardais de l'année dernière un bon souvenir de la longue route en voiture entre Goa et Hampi, la traversée de villages minuscules, la possibilité de flâner ou s'arrêter selon son gré, c'est pour cela que j'ai voulu renouveler l'expérience, malgré la circulation indienne qui peut-être parfois stressante... et dangereuse. A peine sommes nous sortis de la ville que nous devons contourner un corps écrasé sur la chaussée, avec une matière qui a l'air on ne peut plus cervicale répandue au delà de la couverture qui le recouvre. Mon chaï matinal remonte quelque peu. Farooq constate placidement que "This is life". Pour l'instant ça m'a plutôt l'air du contraire... Farooq conduit fort bien, heureusement, et je me tranquillise.

Pendant des heures, c'est une succession de vies, d'hommes, de femmes, d'enfants, de vieillards, de camions décorés, de vaches, de chèvres, de chameaux, de buffles. Des marchés, des paysans au travail, des petits métiers (le laitier ci-dessous), des véhicules de toutes sortes lourdement chargés de bois, de foin, de paquets gigantesques ficelés à la va-comme-je-te-pousse et qui tiennent par ce qui tient du miracle sur un vélo ou une charrette qui disparaissent en-dessous. Les femmes portent de vastes récipients sur la tête ou des fagots parfois gigantesques.

Camion

milkman

Nous nous arrêtons de temps en temps pour boire un thé. On me dévisage toujours avec curiosité (en plus je me mouche avec un mouchoir, ce qui paraît fort exotique). Les enfants me demandent mon nom, le répètent à l'infini, rient, réclament une roupie. A l'approche de Jaïpur, nous suivons parfois de lourds véhicules maquillés que nous doublons respectueusement (et il est parfaitement normal qu'on aperçoive des papillons sur cet éléphant, pour ceux qui s'en étonneraient : c'est le reflet du foulard que j'avais improvisé rideau sur la vitre de la voiture pour me protéger du soleil ).

éléphant

éléphant

Farooq m'emmène à Amber Palace, un peu avant Jaïpur, une merveille de palais-forteresse de la fin du XVIè siècle, complété au XVIIIè, entouré d'une muraille qui court sur 9 kilomètres dans les collines environnantes, qu'une armée de petites mains s'emploient à restaurer, centimètre par centimètre. La tâche paraît titanesque. Les vestiges du passé sont somptueux.

Amber Palace

Amber Palace

Amber Palace

Amber Palace

Amber Palace

Amber Palace

Amber Palace

Amber Palace

Amber Palace

Après Amber Palace, nous grimpons encore dans les collines jusqu'à la forteresse de Jaigarth, un gigantesque ensemble d'édifices, de jardins, de cours, ceint d'une muraille un peu trop rouge aux endroits où elle vient d'être restaurée, qui surplombe le site d'Amber et toute la vallée. Jaigarth

Jaigarth

Jaigarth

Jaigarth

Le soir, Jaïpur dans l'obscurité m'apparaît une ville riche : beaucoup de magasins de marques occidentales. Malgré cela, mon rhume empirant d'heure en heure, et mon stock d'exotiques mouchoirs étant au plus bas, j'erre avec Farooq de boutique de rue en boutique de rue à la recherche de précieux "tissues". Visiblement, on ne comprend pas du tout quelle est cette curieuse chose que je recherche. A deux reprises, on me colle dans les mains un paquet... de serviettes hygiéniques. J'ai beau savoir que le ridicule ne tue pas, je me vois mal me moucher dans une V*nia ou assimilé, aussi fine soit-elle... Tant pis, j'opte pour un rouleau de PQ, et Farooq m'offre gentiment un petit pot de Vicks V*porub pour que ma nuit soit meilleure... J'ai deux statuettes au dessus de mon lit pour veiller sur mon sommeil agité : Krishna et... Abraham Lincoln (?!) Allez comprendre...

Krishna

Lincoln

dimanche 21 janvier 2007

Inde 2è - Delhi

27 décembre. Le compte à rebours voit son terme. Il y a déjà un paquet de temps que mes pensées récurrentes ressemblent à « Dans X mois/semaines/jours, j’y suis ! ». Départ, enfin. Que ce mot est joli, dans ce contexte-là. A peine dormi. Je dois être à l’aéroport aux aurores. Au programme : Paris-Milan, Milan-Delhi.

Nous partons avec beaucoup de retard. En cause : du brouillard sur Milan. Et le temps qui m’est imparti pour la correspondance s’amenuise… A Milan, nous serons quelques-uns qu’une hôtesse entrainera au pas de course pour attraper le long courrier qui nous attend… Je pose la question, essoufflée : est-ce que nos bagages courent aussi vite que nous pour gagner la soute du même avion ? (je suis sans doute un chouïa tatillonne et vieux jeu, mais j’aime beaucoup voyager dans le même avion que ma valise…). L’hôtesse prend un petit air ennuyé pour nous avouer qu’elle ne peut pas vraiment nous le garantir… Du coup, j’ai chouravé la couverture Alit*lia en quittant l’avion pour avoir au moins un truc dans lequel m’enrouler pour dormir (les guest-houses dans lesquelles je descends sont du genre où il faut avoir avec soi son « sac à viande » pour éviter de roupiller dans le jus du routard précédent…). Heureusement, le spectacle aérien des Alpes au petit matin me délivre de toute préoccupation.

Alpes

Et finalement ils sont forts chez Alit*lia, car j’aurai l’agréable surprise de trouver mon sac roulant le premier sur le tapis à l’arrivée à Delhi.

Sortie de l’aéroport. Il est minuit, il ne fait pas chaud, l’air ne sent pas très bon. J’aperçois mes premiers turbans au milieu de la foule qui attend. J’aperçois surtout quelques centaines de feuilles ou pancartes brandies avec des noms dessus. Il ne me reste plus qu’à trouver le mien parmi toutes celles-là, plissant les yeux parce que je ne porte pas mes lentilles en avion et que mes lunettes datent quelque peu. Je finis par apercevoir quelque chose qui ressemble à Traou avec toutes les lettres mélangées et un D à la place du T : pas de doute, c’est pour moi.

Je capte fort peu de choses de Delhi ce soir-là. Comparé à Bombay, mon lieu d’arrivée de l’an passé, c’est beaucoup plus « calme » : pas de bidonville interminable qui s’étend de l’aéroport à la ville. Je n’en saurai pas plus ce soir-là : je m’endors sans demander mon reste – après un premier masala chaï quand même - dans ma première chambre indienne, où j’ai pu prendre une douche chaude en arrivant : je démarre dans le luxe, mes enfants !

Réveil tôt le lendemain, vêtements d’été, ça fait drôle. Et le chaï du petit déjeuner (thé noir aux épices – cardamome, cannelle, gingembre – du lait et du sucre, un délice). Je m’engage dans les rues de Main Bazar où se trouve ma guest-house. C’est un foisonnement de boutiques, et devant chacune d’entre elles on est salué, interpellé, invité à entrer. J’ai un but cependant : au bout de Main Bazar se trouve la gare de Delhi où je dois prendre des billets de train. Je n’y parviendrai jamais. Toute au plaisir de retrouver l’odeur de l’Inde et de m’égarer dans toutes les boutiques où l’on m’invite à entrer et à boire un chaï, je finirai devant le dixième thé de la matinée avec un sympathique Shaffi, patron d’une microscopique agence de voyages, qui s’occupera pour moi de mes billets de trains et me suggère une modification de mon carnet de route qui me plaît bien. Je quitte Delhi dès demain matin.

Il me reste donc la journée pour me promener dans la ville. Premier rickshaw pour me rendre au Fort Rouge, édifice impressionnant, témoin de la puissance de l'empire moghol.

Fort Rouge

Avant d'y accéder, on est comme partout assailli de vendeurs de souvenirs en plastique, de cartes postales, de guides vrais ou faux et même d'étranges vendeurs de... fausses barbes et moustaches, dont l'un ne me lâchera pas pendant plusieurs centaines de mètres pour m'en fourguer un lot, à mon grand amusement. Que diable aurais-je bien pu en faire ?...

Passée la Porte de Lahore, entrée du Fort, on trouve des bâtiments de marbre aux lignes superbes, comme la salle des audiences de l'empereur, dont les murs étaient autrefois incrustés de pierres précieuses, toutes disparues aujourd'hui.

Fort Rouge

Fort Rouge

Fort Rouge

Dans les jardins, on s'asseoit dans l'herbe, on rêve aux splendeurs passées, peut-être...

Fort Rouge

En sortant du Fort, je vais me promener dans Chandni Chowk, le bazar. J'ai plus envie de l'animation grouillante des rues que de visiter des monuments, en ce premier jour.
Ici, on circule, à pied, en voiture, en vélo ou auto-rickshaw, on croise des charrettes à foin et des chameaux arrogants (ou était-ce un dromadaire ? Il a l'air d'avoir deux bosses, mais avec le pilier, je ne suis pas bien sûre...).

Delhi

Delhi

Delhi

Delhi

Dans les boutiques, on s'asseoit, on palabre, on boit du thé et on reste des heures à palper les tissus soyeux. J'ai plaisir à retrouver les marchands de guirlandes de fleurs et les saris de mariage rouge et or qui me rappellent des souvenirs de l'an passé.

Delhi

Delhi

Delhi

Bon, une journée à Delhi, c'est un peu court. Il faudra que je revienne...

lundi 5 juin 2006

Bollywood ! Bollywood !

Je découvre depuis peu les joies du cinéma «bollywoodien» (Bollywood : contraction de Bombay et Hollywood, pour ceux qui l’ignoreraient encore). A l’heure où j’écris ces lignes, je sors de trois heures de chants et danses rythmées, paysages majestueux et émotions adolescentes en guise de brunch dominical (non c’est vrai on est lundi, mais je ne sais pas comment on dit…). Que du bonheur !

Il y a encore peu de temps, tout ce que je connaissais du cinéma indien, c’était les Satyajit Ray (sublimes) visionnés pendant mes années de fac, le magnifique «Salaam Bombay» de Mira Nair, ou «Le Mariage des Moussons» de la même réalisatrice, que l’on m’avait offert avant mon voyage en Inde, moi qui allait y assister à un mariage (qui s’avéra très différent et beaucoup plus traditionnel que celui du film, d’ailleurs). Quelques films «anglo-indiens» comme «Joue-la comme Beckham», et c’était à peu près tout.

J’avoue que m’étonnait depuis quelques temps l’engouement affiché pour les films de Bollywood de gens dont je ne voyais pas bien le lien possible avec un cinéma qui m’apparaissait de loin comme médiocre, sorte de collection Harlequin de l’écran, comédies musicales bêtas et sans grand intérêt à mes yeux. Je me disais qu’il faudrait que j’aille voir un jour à quoi cela ressemblait, mais sans grande conviction ni envie, j’avoue. J’avais tort.

Ce sont mes amis indiens (la famille de la mariée) qui m’ont emmenée il y a quelques semaines voir mon premier film bollywoodien. Ils me disaient que je ne connaissais pas le VRAI cinéma indien, celui qu’ils aiment. J’y suis allée pour leur faire plaisir. J’y ai trouvé le mien !

C’était «Veer Zaara», du grand réalisateur et producteur indien Yash Chopra, avec la méga-star Shahruhk Khan, qui a provoqué une quasi-émeute sur les Champs Elysées au moment de la sortie française du film. Trois heures de mélo flamboyant, de paysages grandioses, de numéros de danses et chants virtuoses, que je n’ai pas vues passer. D’accord j’y ai plus ri que pleuré (contrairement à ma jolie voisine qui en essorait ses kleenex, non Jagu, j’ai rien dit !), mais quel plaisir !

Depuis, je leur ai emprunté quelques DVD et je m’initie à cet art lointain mais universel. Et je me réjouis qu’il me reste tant de films à découvrir.

Oh, bien sûr, pour certains, il faut y mettre de la bonne volonté : «Dil Chahta Hai», que je viens de regarder, a des sous-titres «made in là-bas», c’est à dire un endroit où les claviers ne comportent pas de é, è, ç, à, ù… Alors ils les remplacent allègrement par des #, €, £, …, §, /, … et ainsi de suite, sans rire, ça fait un peu mal aux yeux. De plus les traductions sont très approximatives, et parfois décalées par rapport aux dialogues : la dernière réplique (qui tue) d’une scène est reportée au début de la séquence suivante. C’est bien, on est toujours en éveil, même après trois heures de film, tellement il faut être attentif pour ne pas perdre le fil de l’histoire !…

Bon, je débute dans la connaissance de ce cinéma, mais j’ai déjà mes chouchous : je préfère Aamir Khan, qui a de faux airs de Tom Hanks, à Shahrukh Khan que je trouve un peu trop outré dans son jeu, tendance « expressionisme allemand ». Et à la sublime Aishwarya Rai (la plus belle femme du monde selon certains, et représentante avec d’autres sublimes d’une marque de maquillage française qui les expose chaque année à Cannes), je préfère la délicieuse Preity Zinta (la Zaara de « Veer Zaara »).

Shahrukh Khan

Aamir Khan

Aiishwarya Rai

Preyti Zinta

Dans l'ordre : Shahrukh Khan, Aamir Khan, Aishwarya Rai, Preity Zinta

C’est un cinéma du rêve, comme l’étaient les comédies musicales du Hollywood des années quarante. Et quand débarquent d’un coup sur l’écran des centaines de danseurs pour des chorégraphies superbes, je me dis que Busby Berkeley, l’enchanteur de ces années-là, ne les auraient pas reniées. Bien sûr les scénarios sont mélos, mais si bien construits qu’ils vous tiennent en haleine pendant des heures. Les mises en scènes sont impeccables, et osent des divagations d’une invention échevelée. Les acteurs sont tous des danseurs de talent (et sans doute aussi chanteurs pour certains). On est très très loin d’un «sous-cinéma», comme je le croyais très naïvement (et très prétentieusement) avant d’y être initiée, je l’avoue…

Les thèmes en sont assez universels : l’amour toujours, un conflit familial ou historique. Les sentiments y sont exacerbés mais toujours traités de façon traditionnelle : on aime (mais on ne s’embrasse pas, ou rarissimement) et on épouse, obligatoirement. On y respecte les traditions et les aînés, qu’on y soit habillé en jean ou en sari, et qu’on y dépeigne la vie de pauvres paysans ou de la jeunesse dorée de Bombay qui roule en Mercedes jusqu’aux plages de Goa. Il arrive même qu’on y tombe amoureux de la femme que vous destinent vos parents, puisque le mariage arrangé y est encore une habitude, même dans les films les plus modernes. Mais on y défend aussi quelques attitudes révolutionnaires ou politiques : on ose y toucher un paria, ou on tombe amoureux d’une femme beaucoup plus âgée au grand dam des parents (mais elle aura le bon goût de laisser la place libre en mourant d’une cyrhose à quarante ans à peine, pensez-donc, on l’a vue boire au moins deux verres pendant le film… ça fait peur).

Je commence également à collectionner les bandes originales merveilleuses de ces films, comme celle de «Devdas», que j’écoute en boucle. Et je vais de ce pas aller m’offrir celle du magnifique «Lagaan», que j’ai vu ce week-end aussi, qui m’a tenue en haleine trois heures quarante durant avec l’histoire d’un impôt injuste infligé à des paysans à l’époque de l’occupation britannique et d’un incroyable match de cricket ! Qui dit mieux ?!

mardi 14 mars 2006

Mariage 3è jour (Carnet Indien 10 et fin)

Dernier jour à Nausari, le lendemain de la cérémonie de mariage. Isabelle et moi, levées les premières, nous installons par terre au soleil devant la belle maison qui nous accueille, à l'ombre d'un bananier, en attendant que les autres occupants soient prêts. La voisine qui nous aperçoit par dessus sa haie vient spontanément nous apporter des sièges et du chaï... Nous communiquons par gestes un petit peu, elle ne parle sans doute que le gujarati, la langue locale (en Inde, il y a les langues officielles : l'hindi et l'anglais, et chaque état collectionne une ou plusieurs langues régionales, on en compte une bonne centaine, peut-être deux, mes sources - indiennes - ne sont pas toutes d'accord sur le nombre...) Nous retournons ensuite dans la maison de Maghanbai et Kaanchan, juste à temps pour assister à la danse traditionnelle des "hijras". Ce mot signifie "ni homme ni femme" : les hijras sont des eunuques, des hommes castrés habillés en femme, au statut particulier dans la société indienne, mi-craints, mi-méprisés, qui viennent "bénir" les maisons où ont eu lieu un mariage ou une naissance - ils sont toujours au courant, on ne sait comment - contre une obole. Ils chantent et dansent en cercle devant la maison et laissent un petit mot écrit à même le compteur électrique pour signaler qu'ils sont déjà passés, pour ne pas que d'autres viennent à leur tour réclamer des sous !

Hijras

Hijras

Ensuite a lieu la dispersion des éléments du petit autel à Ganesh installé dans la maison à l'occasion du mariage. L'eau contenue dans des vases est emmenée en procession pour être reversée dans la fontaine toute proche, autour de laquelle trottinent des dizaines de cochons, et aussi une vache ou deux. Ces petits cochons, il y en a en liberté dans toute la ville. Ils ont un propriétaire, m'a-t-on dit, mais chacun peut utiliser leurs poils pour fabriquer des brosses, par exemple. C'est le prix payé par le propriétaire pour les laisser gambader et se nourrir partout.

cochons

porteuses d'eau

On m'a avertie de ne pas prendre mon appareil photo avec moi pour aller jusqu'à la fontaine, je ne vais pas tarder à comprendre pourquoi : cette expédition donne lieu à l'arrosage systématique de tous les participants ! Et pas qu'un peu ! Nous recevons des seaux d'eau entiers sur la tête. Ça crie et ça rit à qui mieux mieux sous les yeux amusés des voisins. Même la grand-mère de 85 ans court furieuse après le grand-père qui lui a versé un plein récipient sur la tête avant de s'enfuir en pouffant comme un gamin édenté. Je crois qu'elle pensait être épargnée à cause de son grand-âge... Raté ! Quel fou-rire. Je vois mal mes parents, même s'ils sont un peu plus jeunes, se courir après comme des mômes en s'aspergeant d'eau.... (il faut avouer qu'en Bretagne on évite ce genre de sport sous peine d'épidémie de pneumonies...). Après, et bien nous nous essorons et restons au soleil qui sèchera bien vite cheveux et vêtements. La voisine en profite pour nous proposer des dessins au henné sur les bras ou les jambes. Tiens, pourquoi pas... Il me restera tout juste le temps des vacances, effacé totalement à peine 2 jours avant mon retour au bureau. J'admire la dextérité de la dessinatrice (et décidément, je n'arrête pas de mettre des photos de moi sur ce blog !)

dessin henné

dessin henné

henné

Après, la journée s'écoule, douce et paresseuse : des marchands passent dans la rue et proposent des fruits. On négocie le prix accroupi sur le seuil de la maison, et on les mange là au soleil. C'est bon, je ne me souviens plus de leur nom...

marchad de fruits

Plus tard, Maghanbai me croise avec étonnement dans la maison après le déjeuner et s'étonne que je ne sois pas dans la chambre des "filles" à l'étage pour faire la sieste. Ah bon ? Moi je veux bien. Vous avez déjà essayé de coller 10 filles dans une même pièce et de les faire dormir ?... Pas question, ça piapiate à qui mieux mieux même si on ne parle pas la même langue ! Jagu est là pour traduire hindi, gujarati et français. Très peu parlent anglais. Elles se moquent à nouveau gentiment de ma tenue européenne remise aujourd'hui et qui je l'avoue ressemble fort à un pyjama, comme le dit la grand-mère qui déplore chaque fois qu'elle me croise que je ne porte pas le sari, pas de bijoux, et que j'aie les cheveux détachés. Malgré cela, elle a déclaré hier qu'elle voulait me garder ici, voire m'adopter ! Il faut dire que je lui ai demandé l'autre jour la permission de l'embrasser - cela se pratique fort peu ici - et depuis elle ne cesse de m'enlacer par la taille (c'est à sa hauteur, cette adorable grand-mère poids-plume m'arrive à peine à l'épaule) et m'embrasse comme du bon pain à chaque fois qu'elle me croise, au grand étonnement de ses filles et nièces, à qui elle n'a jamais réservé le même traitement !!!

Elles ont tellement envie de me voir en sari qu'elles vont m'en trouver un ! Le sari en lui-même, ce n'est pas un problème, ce n'est qu'une pièce de tissu de 5 ou 6 mètres de long, sur 1,20 mètre de large environ, même format pour tout le monde. Le souci, c'est le "cholit", ce petit caraco ajusté qui se porte en dessous, et qui est fait sur mesure. Pas facile de m'en dégoter un à ma taille. Isabelle finalement m'en trouvera un à elle qui s'ajustera parfaitement. Et me voilà en sari pour la journée ! C'est vraiment un vêtement très agréable à porter, très seyant, et qu'il n'y a aucun risque de "perdre" (ma grande crainte), à condition que ce soit une indienne qui vous l'ait mis ! C'est une sacrée technique....

C'est donc en sari que j'irai faire un tour dans le bazar, ou je me ferai faire, avec l'aide précieuse de Maganbhai pour la négociation, une bague cosmopolite avec une petite émeraude rapportée par ma soeur de Colombie il y a une dizaine d'années (en France, cela coûte une fortune même si on fournit les éléments, ici l'or n'est pas cher, la façon non plus, on m'en demandera 10 fois moins qu'à Paris...). C'est en sari aussi que je vais prendre le soir une leçon de chapatis, ces délicieux pains-galettes. C'est Barini (orthographe incertaine), qui a tant pris soin de moi au cours de ces trois journées qui malaxe la pâte, accroupie par terre comme ma petite grand-mère chérie qui lui tient le plat (vous croyez qu'on y arrivera, nous, à être accroupies comme ça à 85 ans ? J'en doute, en plus elle se relève sans problème...). On laisse reposer la pâte, ensuite on forme des boulettes qui sont étalées avec dextérité sur une petite planche en bois. Il faut le coup de main. J'ai essayé, elles étaient mortes de rire.... Ensuite (mais pourquoi je n'ai pas de photos de ça, moi ?... tssst) le chapati est cuit dans une petite poêle et EN DEHORS de la poêle directement sur la flamme, tenu et retourné avec vivacité entre deux doigts, au risque de sacrées brûlures ! De toute façon, chez moi c'est vitro-céramique, j'oublie....

chapatis

chapatis

Dernière nuit dans la belle maison. Le lendemain matin, les adieux seront difficiles. J'ai été accueillie si chaleureusement ici, comme un membre de la famille. On m'invite à revenir, oh, comme j'aimerai.... La grand-mère pleure à chaudes larmes en m'embrassant, moi aussi. Je reviendrai, promis. Le grand-père farceur m'applique du pouce un peu de cette substance rouge, dont j'ignore toujours le nom, sur le front, comme une bénédiction, en me glissant un billet de 50 roupies dans la main, pour la prospérité, sans doute. Je le garde précieusement auprès de moi, ce porte-bonheur...

Tiens, j'ai envie de finir avec eux, ces grands-parents terribles, si gentils et joyeux. J'espère que je les reverrai.

grands-parents

Mon voyage n'est pas terminé. Je l'ai raconté à l'envers dans les billets précédents. Mon récit, lui, s'arrête là. J'espère que j'aurai l'occasion d'en faire d'autres sur ce pays magique... bientôt.

Un dernier petit cadeau, pour la route : mon ami Ganesh qui trône sur mon fond d'écran, sympathique et coloré, pour veiller sur chacun, dieu de la chance qu'il est !

Ganesh

lundi 6 mars 2006

Mariage 2è jour (Carnet Indien 9)


(spéciale dédicace de ce billet pour Erin, de jolies images à regarder pendant sa convalescence…)

Jour J. La cérémonie. Lever et préparatifs des uns et des autres dans la jolie maison qui nous abrite, non loin de celle des parents de la mariée. Un autre penjabi. Un autre bindi assorti. Plus tard je regretterai vraiment de n’avoir pas porté un sari ce jour-là. Pas osé, peur de ne pas savoir le porter, de ne pas savoir bouger ou marcher avec, alors que c’est un vêtement extrêmement confortable et agréable à porter. Et quand c’est une indienne qui vous le met, ça ne bouge pas d’un pouce. Mais c’est tout un art ! Et une technique !

La sœur de la mariée a fini par arriver au petit matin de Delhi avec Isabelle, une autre invitée française, amie de la famille qui sera ma compagne privilégiée pendant toute cette journée de mariage, me donnant moult explications sur le déroulement de la cérémonie, malgré la fatigue de son voyage (elles auront été coincées plus de vingt-quatre heures dans l’aéroport glacial de Delhi).

On nous conduit au lieu de la cérémonie : une vaste salle décorée de fleurs, prête à accueillir les 1200 invités de la noce ! D’ailleurs ils commencent à arriver, les hommes devant, les femmes suivant : un festival de saris de toutes les couleurs. On s’installe dans la salle aménagée comme pour un spectacle : une estrade sur laquelle trône un dais fleuri sous lequel auront lieu les divers rituels de la cérémonie. De chaque côté du dais, des places réservées à la famille proche : les hommes d’un côté, les femmes de l’autre. Et dans la salle, même répartition des invités, hommes et femmes séparés, qui assistent au spectacle. On sert le petit déjeuner : du riz épicé et du chaï. Je décline le riz, le matin, c’est un peu difficile pour mon palais occidental…

arrivée hommes

arrivée femmes

arrivée femmes

arrivée femmes

femmes

femmes

femmes

Commencent alors les rituels, menés par un brahmane (représentant de la plus haute caste en Inde), tout d’abord avec les parents de la mariée (Maganbhai me fait signe gentiment : pour prendre mes photos, je me suis mise du côté des hommes, je n’ai pas trop le droit d’être là, oups…), rejoints ensuite par leur fille. J’avoue que je ne connais pas trop la signification de chaque rituel, Isabelle et moi avons assisté à tout cela sans comprendre vraiment tout ce qui se passait, le brahmane prononçant des prières en hindi le plus souvent à toute allure (en regardant ailleurs et en ayant l’air de penser à toute autre chose, c’est assez drôle à voir, il paraît que c’est la tradition, en plus il est en chaussettes...). Dans chaque rituel interviennent le feu et l’eau, l’encens, les fleurs, les noix de coco…

Kaanchan & Maganbhai

Kaanchan & Maganbhai

Kaanchan & Maganbhai

Kaanchan, Jayana, Maganbhai

Jayana

Le plus frappant pour un occidental au cours de toute cette cérémonie (qui s’étalera sur toute la journée), c’est l’absence totale de recueillement de l’assistance. Pendant que le brahmane officie, point de silence : tout le monde parle, mange, se déplace, les enfants courent sur l’estrade, chahutent ; on sert des verres d’eau, des glaces, c’est un joyeux foutoir !

Les invités se relaient pour aller déjeuner dans une grande salle à l’étage du dessous, servis par du personnel bien sûr, mais aussi les membres de la famille. Isabelle et moi, assimilées à la famille proche - nous avons nos places sur l’estrade - sommes invitées à aller déjeuner en dernier. Je me souviens avec émotion de ce déjeuner où le grand-père de la mariée, un adorable vieux monsieur très souriant, viendra à la fin du repas nous donner à chacune une cuillère de glace, de la même façon qu’on donne une cuillerée de nourriture à un bébé, à titre de bénédiction, et pour marquer notre statut d’invitées de marque. J’ai été très triste d’apprendre que ce vieux monsieur si charmant est mort quelques jours seulement après le mariage de sa petite fille…

Après le déjeuner, nous sommes conviées, Isabelle et moi – un grand honneur – à accompagner les femmes de la famille pour… aller chercher le marié, chez lui ! Le marié c’est vraiment la star : il se fait attendre et désirer, et c’est toujours sa belle-mère qui vient le chercher !

Nous partons donc en délégation féminine jusque devant le domicile du marié, où stationne une voiture richement fleurie, dans laquelle le héros du jour attend patiemment que sa belle-mère l’invite à en sortir. Tout le monde entre ensuite dans la maison où se tiendront quelques conciliabules en hindi ou gujarati, la langue locale. Puis les femmes de la délégation repartent d’où elles sont venues. Pendant ce temps-là, le marié prend place dans une voiture trainée par des chevaux qui va faire lentement son chemin jusqu’au lieu de la cérémonie, précédée d’une fanfare pour le moins bruyante et accompagnée des amis du marié qui chantent et dansent durant tout le trajet.

voiture

voiture marié

voiture marié

fanfare

En attendant son arrivée, j’ai le droit d’assister à la coiffure et à l’habillage de Jayana, qui va revêtir le sari traditionnel de mariage, rouge brodé d’or (lourd sur son épaule), et arborer une coiffure toute de fleurs fraiches sous son voile rouge brodé. A un moment, elle éclate de rire en me regardant : il paraît que j’ai les yeux écarquillés et la bouche ouverte, médusée. Il est vrai que je me sens comme une gamine devant son premier sapin de Noël, émerveillée… On coiffe et maquille aussi sa sœur, la jolie Jagu, qui ne porte pas trop la fatigue de son interminable voyage.

Jayana

Jayana

Jayana

Jayana

Jagu

Jayana & Jagu

On annonce l’arrivée du marié ! Résonnez trompettes !!! La famille descend en délégation pour l’accueillir, les invités se massent au balcon pour assister à la scène.

C’est toujours belle-maman qui va l’inviter à descendre de son carrosse, pendant que les amis du marié continuent à danser et à chanter. C’est très gai.

accueil marié

accueil marié

voiture chevaux

arrivée Ajai

Ajai, donc, puisque c’est son nom, fait son entrée dans la grande salle, accueilli par sa belle sœur Jagu, et son beau-frère Hiran (l’adorable frère de Jayana qui n’a cessé de courir partout pour tout organiser durant ce mariage, toujours souriant et aux petits soins pour tous les invités). Il écrase du talon une petite boite symbolique (ne m’en demandez pas plus, il n’y avait personne parlant français pour m’expliquer ceci…) avant l’apparition fugitive de Jayana qui vient jusqu’à lui pour lui passer un collier de fleurs autour du cou, avant de repartir avec ses suivantes.

entrée Ajai

Ajai, Jagu, Hiran

Ajai

Jayana

Jayana & Ajai

On installe Ajai sous le dais fleuri, dans l’un des fauteuils de cérémonie, et sa famille, porteuse de cadeaux, d'un côté de l'estrade, hommes et femmes mélangés (!), tandis que la famille de la mariée est regroupée de l'autre côté. On tend devant Ajai un drap blanc, verticalement, tenu à chaque bout par le brahmane et son assistant. On amène Jayana à l’autre fauteuil, et on joint leurs mains sous le drap. Commence alors une très longue litanie du brahmane, sur un rythme chantant et rapide, et qui se poursuivra quand le drap aura finalement été enlevé entre les deux jeunes époux, et qu’on les aura reliés par un fil rouge autour de leurs deux cous.

cadeaux

dais

Jayana & Ajai

Jayana & Ajai

C’est ensuite le moment de la bénédiction des époux par une religieuse venue spécialement de la communauté du gourou familial, un grand honneur... Ensuite les parentes les plus respectées de la famille feront à leur tour à Jayana et Ajai la marque traditionnelle sur le front avec une pâte rouge, agrémentée de grains de riz.

Je crois qu’ils sont vraiment mariés maintenant puisqu’enfin ils posent ensemble, mains unies, pour les photographes.

bénédiction

bénédiction

Jayana & Ajai

Ensuite, le brahmane continue les rituels avec les parents des mariés cette fois, qui échangent fleurs et fruits, au rythme d’une même litanie, et se congratulent mutuellement. Pendant ce temps-là, le marié, toujours lié par son fil rouge, en profite pour passer un petit coup de téléphone !

parents

parents

Ajai

Les parents donnent une dernière bénédiction à leurs enfants, avant que défilent devant eux les invités qui les félicitent et leur offrent les cadeaux qu’ils ont apportés. A la fin, le brahmane s’adresse longuement à eux afin de leur expliquer leurs rôles respectifs dans le couple et la portée spirituelle du couple. Je regrette de ne pas comprendre ces mots-là, dont Hiran, le frère de Jayana, me dira juste qu’ils étaient bouleversants et profonds et apportaient à cette cérémonie et à cet engagement un éclairage essentiel…

parents

brahmane

C’est le retour ensuite à la maison du père de la mariée pour un dernier rituel, le plus émouvant de toute cette journée, celui de l’adieu de Jayana à la maison de son père. Les femmes ont préparé un grand plateau de cette substance rouge qui sert aux bénédictions, avec laquelle les deux nouveaux époux vont enduire les paumes de leurs mains. Paumes qu’ils apposeront ensuite sur le mur extérieur de la maison paternelle, près de la porte d'entrée, les petites mains de Jayana en-dessous de celles de son mari, symbole qu’une fille s’est mariée ce jour-là. Elle quitte ensuite sa famille, prise en charge désormais par celle de son mari. Jayana pleure à chaudes larmes en embrassant ses parents, ses frères et sœurs, ses cousines… Et nous pleurons tous avec elle. Moi aussi, j’avoue.

mains

mercredi 1 mars 2006

Mariage 1er jour (Carnet Indien 8)


25 décembre. Convocation à 4 heures du matin (!) à l’aéroport de Bombay, avec d’autres invités de la noce. C’est l’heure d’arrivée de l’avion en provenance de Paris via Delhi de la sœur de la mariée et d’une autre invitée française. Il est prévu ensuite de nous répartir dans des voitures à destination de Nausari, dans l’état du Gujarat, où a lieu le mariage.

8 heures du matin. Ce fichu avion a l’air bloqué à Delhi par le mauvais temps. Les sièges en plastique de la salle d’attente de l’aéroport se font de plus en plus inconfortables, surtout avec le manque de sommeil…

On finit par nous mettre dans une voiture sans attendre les voyageuses (qui n’arriveront finalement, épuisées, que 24 heures plus tard… on a bien fait d’y aller). Quatre heures de route au son de chansons indiennes parfois ravissantes, parfois suraiguës, reprises en chœur par les deux jeunes gens qui nous conduisent, et accompagnées d’incessants coups de klaxons pour faire dégager la route.

Nous sommes accueillis chaleureusement par Kaanchan la maman de Jayana, la mariée (pardon, la fiancée encore ce jour-là) qui nous offre ce qui sera mon premier « chai », le délicieux thé traditionnel indien, au lait avec des épices (cardamome et cannelle et sans doute plein d’autres choses. J’ai rapporté le mélange d’épices pour le faire mais il faut que j’aille prendre un cours avec Kaanchan et ses filles maintenant pour le confectionner comme il faut).

Il y a du monde dans la maison. Les enfants me regardent avec tout l’étonnement de leurs grands yeux noirs ou dorés. C’est la première fois qu’ils voient des étrangers, comme me l’explique gentiment Jayana. Il faut dire qu’ici je fais figure de géante, et je détonne aussi par ma peau très blanche, mes yeux clairs et surtout mes cheveux détachés et ma tenue européenne que la délicieuse grand-mère qualifiera plus tard en riant de « pyjama » (elle n’a pas tout à fait tort). La famille est arrivée depuis quelques jours déjà. Hier avait lieu la soirée des femmes, une soirée de chants, avant laquelle les pieds et les mains de Jayana ont été peints au henné avec les motifs traditionnels de mariage. La mariée est cantonnée dans la maison de son père et n’a pas le droit d’en sortir. Elle porte à la ceinture un énorme trousseau de clés cliquetant qui doit permettre de toujours savoir où elle se trouve dans la maison.

enfants

famille

Jayana me montre l’autel à Ganesh installé dans une pièce de la maison, devant lequel brûle dans du ghee (du beurre clarifié) une flamme que la tante de la mariée doit veiller à ne jamais laisser s’éteindre. J’ai le droit d’assister devant cet autel à l’onction du visage, des bras et des jambes de la fiancée avec une crème additionnée de safran et de diverses herbes, laquelle est destinée à lui adoucir la peau et à lui donner bonne mine. Elle subit cela (il paraît que ça pique) trois fois par jour. On ne peut pas la louper la mariée, c’est celle qui est toute jaune ! (mais le soir, habillée et maquillée, quelle mine superbe… je vais me maquiller au safran, moi maintenant)

autel à Ganesh

Jayana

Au-dessus de la cour de la maison est dressé un grand auvent sous lequel des femmes épluchent des légumes pour le repas du soir, sous le regard endormi du cuisinier qui se réveille de sa sieste, allongé dans un coin. Jayana me rapportera qu’elles ont été très heureuses que je demande à les prendre en photo et que je passe ensuite parmi elles pour leur montrer le résultat sur mon petit écran.

cuisine

cuisine

Ce soir, c’est la soirée de la danse, avec tous les représentants des deux familles (sauf le marié !), soit 150 personnes environ. J’avoue m’y perdre un peu et ne pas retenir toujours qui est qui, sauf qu’ils me saluent et me sourient tous avec la plus extrême gentillesse, et beaucoup de curiosité.

Nous sommes quelques « happy fews », invités européens, à manger à table avec les parents de Jayana (Maganbhai, son papa, est arrivé tout à l’heure, de retour d’une réunion traditionnelle des hommes de la famille chez le marié). Même la mariée mange par terre, au milieu des invités, servis à même le sol recouvert d’un tapis par les membres de la famille, dans des plateaux ronds en métal. Cuisine végétarienne, variée et délicieuse. On mange avec les doigts, de la main droite uniquement. Pas facile pour le riz, au début...

dîner

J’arbore mon premier « penjabi », acheté à Bombay la veille : tunique longue sur un pantalon avec l’inévitable voile. Ici, même les toutes petites filles en portent, rejetés en arrière de leurs petites épaules avec infiniment de grâce. J’y ai ajouté un bindi assorti collé sur le front, entre les deux yeux, offert par une cousine indo-britannique. En revanche tout le monde a l’air stupéfait que je ne porte aucun bijou. Les bracelets, notamment, semblent être une parure indispensable (même pour les petites filles), se portant par dizaines tintinnabulant à chaque bras, assortis au sari ou au penjabi, toujours. Beaucoup de femmes viendront toucher mes bras, l’air interrogateur (« mais enfin, où sont-ils ? »), et me montrent leurs colliers d’or, visiblement éberluées par mon cou nu.

petites filles

soirée

soirée

La mariée, elle, s'est changée après le dîner et est parée merveilleusement (j'aime notamment ces boucles d'oreilles qui viennent s'attacher jusque dans les cheveux, elle en aura d'encore plus belles le lendemain, pour la cérémonie). Et ici, même les dos sont maquillés.

Jayana

Jayana

L’orchestre se met en place. Des chants indiens s’élèvent, rythmés, deux ou trois voix d’hommes, une de femme, belles et fortes, comme on les aime ici. Au début, on écoute, les femmes assises d’un côté, les hommes de l’autre. Une cousine danse, seule, puis une autre. Enfin le cercle se forme. Il durera plusieurs heures, sans interruption. On tourne dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, quatre temps, on frappe dans ses mains à droite, quatre temps, on frappe dans ses mains à gauche, sans fin. Les saris colorés succèdent aux saris colorés, avec parfois l'habit blanc brodé du père de la mariée. On rentre dans le cercle puis on en sort, au fur et à mesure des sollicitations des uns et des autres. Même l’adorable grand-mère de 85 ans entre dans la danse !

danse

danse

danse

danse

danse

danse

danse

danse

Après pas mal de tours de piste, je rentre me coucher. Cette journée a été longue. Et demain, c'est la cérémonie, je veux être en pleine forme.

dimanche 26 février 2006

Retour à Bombay (Carnet Indien 7)

Dernière étape du voyage. Je quitte à regret ma paillotte sur la plage de Mandrem. Males vient me chercher pour m'emmener à l'aéroport. Au rétroviseur de son taxi se balance la petite Tour Eiffel que je lui ai offert au retour de Hampi (une très bonne idée d'une amie qui passe plusieurs mois par an en Inde : emporter avec soi des petits souvenirs "typically French" pour les offrir en petits témoignages d'amitié). J'avais avec moi quelques-unes de ces petites Tours Eiffel. Je les ai toutes données à Males pour lui, ses enfants et neveux, je crois que cela lui a fait plaisir. Je lui demande si je peux le prendre en photo. Il accepte, tout rougissant, cher Males.

Males

Je retrouve Bombay avec moins d'appréhension que lors de mon premier contact. Je demande même à un rickshaw de m'emmener dans un marché de la ville, où je me perds dans un dédale de ruelles, seule européenne parmi des milliers d'indiens, environnée de sourires et de regards étonnés (et où je ne fais pas de photos, impossible, je ne sais pas faire cela, ces instants-là ne seront que pour moi...).

rickshaw

Le lendemain matin, réveil aux aurores pour prendre le premier bateau pour Elephanta Island. Un taxi m'emmène jusqu'à la Gateway of India, où se trouve l'embarcadère, parmi les rues de Bombay qui se réveillent. Ce qui veut dire qu'il y a encore sur les trottoirs des corps endormis, par centaines, partout, même aux abords des hôtels chics, et parmi ces silhouettes que je devine sous des couvertures, il y en a de toutes petites, des enfants, des familles entières, autour des restes d'un feu parfois, celui qui a servi à une mère à faire à manger pour ses enfants la veille au soir...

Le chauffeur de taxi est jovial et me fait des commentaires enthousiastes sur sa ville qu'il aime. Comme beaucoup d'indiens, il arbore un bonnet. J'ai l'impression (mais je me trompe peut-être) que celui-ci a remplacé le turban pour beaucoup... Dommage, c'est quand même moins séduisant, cette marque américaine qui surgit là comme partout, au-dessus du petit autel traditionnel dédié à Ganesh et au gourou...

taxi

Elephanta Island, après une heure de traversée sans grand intérêt au milieu des bateaux militaires du port de Bombay. Et là-bas, comme sur tous les sites touristiques du monde, des échoppes par dizaines vendent des souvenirs en plastique, et les touristes trop fatigués peuvent gravir les marches qui mènent au site juchés sur des chaises à porteurs, quelle honte....

Le site lui-même est magnifique. Et sans doute la lumière doit être plus belle l'après-midi... Le matin c'est à l'ombre et les statues sont donc moins mises en valeur, mais je voulais éviter la foule et la chaleur. Il s'agit donc de grottes naturelles dans lesquelles ont été sculptées, entre le Vè et le VIIIè siècles, un ensemble de figures et de scènes mythiques essentiellement consacrées à Shiva. Je regrette de n'avoir pu faire de photos plus belles de ces merveilles, d'une stature imposante et majestueuse, mais il faisait assez sombre, donc, et le flash "tuait" tout relief...

Elephanta Island

Elephanta Island

Elephata Island

Elephanta Island

Elephanta Island

Retour vers the Gateway of India, flanquée du Taj Mahal Hôtel, le plus luxueux de Bombay où les portiers sont déguisés en maharadjahs devant des parois de verre ruisselantes d'eau.

Gateway of India

Taj Mahal Hotel

C'est là que je dis au revoir à Bombay, car je reviendrai, en tous cas je le souhaite. Le lendemain matin de très bonne heure, un avion m'emmène vers Koweït puis un autre vers Paris. De mer de nuages en mer de nuages. A Roissy, dans le taxi que je prends pour me ramener vers Belleville, Johnny Halliday chante "Gabrielle". Je suis de retour....

avion

ciel

ciel

ciel

Et donc, à partir de maintenant, je vais revenir en arrière pour vous raconter le tout début de mon voyage : le mariage de Jayana et Ajay, puisque j'attendais leur accord pour cela...

lundi 20 février 2006

Mandrem (Carnet Indien 6)

Je suis fort paresseuse sur ce carnet de voyage, j'avoue (et pour le reste aussi d'ailleurs). Si ça continue, je vais vous raconter le mariage en 2007 ! (Anitta, je rigole).

Mandrem plage

Mandrem

Arrivée à Mandrem, donc, sur ma merveilleuse plage, dans ma merveilleuse paillotte où je m'endors avec le bruit des vagues. Au matin, après une nuit réparatrice des douze heures de route de la veille, je vais trainer au gigantesque flea-market d'Anjuna.

flea market

moustiquaires

En bordure de la plage, des milliers de stands vendent des bijoux en argent ou de pacotille, des tissus, des vêtements, des épices, de la vaisselle en bois, des bricoles, des lampes ou des moustiquaires multicolores qui flottent au vent, tout et rien avec des prix gonflés à bloc qu'il faut faire réduire de moitié au moins, parfois plus. Un espace entier est consacré aux tibétains (il est déconseillé de trop marchander avec eux, au bout d'un moment, ils vous ignorent carrément, mais ce sont eux qui ont les plus beaux bijoux d'argent).On croise des hippies d'origine (et le hippie vieillit mal, croyez-moi, trop de substances planantes peut-être, au bout de 30 ans, ça abime) qui vendent des babioles ou de l'encens, et même des hippies jeunes (oui, ça existe !).

épices

Anjuna

On est sollicité sans cesse, agrippé par le bras pour visiter tel ou tel étal. S'il vous vient à l'idée de vous arrêter pour boire une bière, il y en aura même un ou deux pour s'asseoir à vos côtés, attendant que vous ayez fini pour vous emmener ensuite visiter leur boutique. C'est foisonnant, étourdissant, coloré, bruyant, gai et fatiguant. J'y resterais le temps de faire le plein de cadeaux en tous genres pour la famille, avant de retourner vite vite vers ma jolie plage calme et dolente où je vais m'autoriser à buller le reste de la journée. Soleil. Ombre. Bain. Tiède. Soleil. Tiens, je vais prendre un lassi. Somnolence chaude. Soleil. Bain... OK, j'arrête.

paréo

Sur la plage, des transats en bambous, où mon paréo/serviette sèche en un clin d'oeil. Une femme vend des sarongs et des jupes multicolores qu'une jolie jeune femme essaie un peu plus loin avec des gestes gracieux. Claquements des étoffes dans le vent. Des bribes de leurs rires et de leur dialogue en anglais approximatif me parviennent par intermittence. La femme aux sarongs s'asseoit près de moi dans le sable pour replier sa marchandise. D'autres passent parfois, proposent des bijoux ou des fruits dans de grands paniers. Des marchands de glaces se croisent à bicyclette.

marchande de sarongs

marchand fruits

marchands glaces

En fin d'après-midi, les pêcheurs viennent remonter leurs filets.

pêcheurs Mandrem

pêcheur

Je musarde sur la plage avant de remonter vers le restau-paillote où m'attendent des indiens avec qui j'ai paressé cette après-midi et qui, me sachant française, m'ont proposé de partager avec eux un verre de vin pour l'apéritif, vin qui s'avèrera être du porto made in India : nous sommes à Goa, ancienne colonie portugaise, il en reste de nombreuses traces, même des Christs dessinés sur la proue des bateaux de pêche...

bateaux

bateau

C'est l'hiver ici aussi. Le soleil se couche tôt sur la mer. Et avant de retourner vers ma paillote me passer sous mon tuyau d'arrosage et me changer pour un délicieux et animé dîner indo-portugais, spécialité de Goa, comme un cadeau, tombée d'on ne sait où, une étoile de fleurs flottant sur l'eau...

soleil

fleurs

dimanche 5 février 2006

Retour à Goa (Carnet indien 5)

Adieu Hampi. Avec Males, nous reprenons la route de Goa. Douze heures de route en perspective. De jour cette fois-ci. Il va faire chaud mais je suis heureuse de voir de mes yeux cette traversée du Karnataka puis de Goa que j’ai faite dans le noir à l’aller.

Sur cette route que nous faisons au milieu des camions décorés (pas facile à photographier au vol, désolée…)

camion

camion

camion

Nous croisons des troupeaux de chèvres ou de buffles, emmenés par des enfants la plupart du temps

chèvres

buffles

Des étendues de piments qui sèchent au soleil

piments

piments

Des fabriques de briques

briques

briques

Et même parfois un éléphant maquillé

éléphant

La route est chaude et bruyante. Le klaxon ici n'a pas la même fonction que chez nous. A l'arrière de tous les camions il est inscrit "Sound horn, please" (klaxonnez, s'il vous plait). Cela amuse beaucoup Males quand je lui explique que chez nous, un coup de klaxon signifie à peu de choses près : "Ôte-toi de là, connard !" ou "Tu conduis vraiment comme un manche, abruti !". Ici, c'est juste pour signaler qu'on est là, qu'on va passer, qu'on va doubler, qu'on arrive, quoi... Ce qui fait que tout le monde a toujours une bonne raison de klaxonner. On s'y fait, dès qu'on a appris à ne plus sursauter puisqu'on a compris que ce "langage" n'avait rien d'agressif. D'ailleurs, personne ne s'en offusque, au contraire d'un embouteillage parisien où klaxonner le mec de devant peut facilement vous amener à en venir aux mains...

Il n'y a pas non plus vraiment de règles concernant les sens de conduite où la façon de doubler. Tripler, cela arrive : trois de front sur une quatre-voies, empiétant largement sur la bande d'arrêt d'urgence, auquel cas il faut souhaiter que celle-ci n'ait pas été empruntée à contre-sens par un automobiliste ou un camion qui, las de chercher de l'essence sur son côté de la route, à décidé de traverser et de faire un petit tronçon à l'envers pour s'approvisionner plus vite....

Le sport national semble également être : à combien pouvons-nous tenir sur un scooter ou une moto ? Sans casque, of course... Et les femmes pratiquent avec élégance et en sari, l'amazone sur porte-bagages. J'en ai vu avec deux ou trois enfants serrés entre elle et le conducteur. Une fois même, l'une d'entre elles donnait le biberon à un bébé sur une motocyclette pétaradante et fumante. Je suis sûre qu'il s'est endormi sans mal après ça !

moto

moto

moto

Quelquefois, au coeur d'un village un peu plus gros que les autres, une "porte" décorée. Males a du mal à m'expliquer de quoi il s'agit. Une sorte de statue ou de tronçon de temple, c'est tout. Quand je descend de la voiture pour prendre une photo, je suis assaillie par des mômes rieurs et sales qui me réclament invariablement du "chocolate" (nom d'un chien, il fait 32° au moins, beaucoup plus dans la voiture, cela ne me viendrait pas à l'idée de trimballer du "chocolate"...). Tant pis, ils me sourient quand même, pas rancuniers.

porte

enfants

Nous arrivons vers la mer, la fin du Karnataka, le début de Goa

Goa

J'ai demandé à Males de me trouver un coin tranquille. Hors de question que je retourne vers Baga ou Calangute, ces lieux trop peuplés de touristes. Males sait ce qu'il me faut. Nous remontons tout l'état de Goa, du sud au nord, pour arriver à Mandrem. Oui, c'est bien là que je finirai mon séjour à Goa : une plage tranquille et presque vierge de touristes. Un village de paillotes où je m'endormirai en entendant le bruit des vagues. Un grand lit, une moustiquaire, un carré de ciment en pente avec des vraies toilettes (quel luxe !), un lavabo surmonté d'un petit miroir de traviole, et un tuyau d'arrosage amélioré pour prendre ma douche : c'est mieux que le Ritz, mes amis !

Mandrem

paillotes

ma paillote

Avec Males, nous nous faisons des adieux provisoires : il reviendra me chercher dans trois jours pour me conduire à l'aéroport pour mon retour à Bombay avant Paris. En partant, il m'offre un petit Ganesh, parce qu'il sait que j'aime tant celui qui clignote sur son tableau de bord. Il précise avoir cherché spécialement un Ganesh avec les oreilles grandes ouvertes, plus rare. Et me fait moult recommandations : lui offrir de l'encens, des fleurs, et ne pas omettre de lui faire régulièrement un point rouge au milieu du front... Je suis un peu perplexe : à part avec du rouge à lèvres, je ne vois pas bien avec quoi je pourrais lui faire un point rouge qui tienne... et je ne suis pas sûre que ce soit très "respectueux". Cela fait rire Males, mais il me laisse avec mon dilemne. Je suis très touchée de son cadeau. Il ne me quittera plus du voyage, toujours sur ma table de nuit et dans mon sac auprès de moi. Et ici, à Paris, il veille sur moi, avec toute l'amitié avec laquelle il m'a été offert, perché sur ma petite cascade en ardoise au-dessus de mon lit, sur laquelle je n'ai pas manqué de lui mettre des fleurs....

Ganesh Males

lundi 23 janvier 2006

Hampi - 1er janvier 2006 (Carnet indien 4)

Une nuit de réveillon longue et reposante. Vous y croyez ! 1er janvier. En France, je crois qu'il neige, et moi mon premier décor en sortant ce matin, c'est ça :

Hampi

Avant toute chose, un petit déjeuner dans la rue principale de Hampi : un chaï, un lassi, une grande crêpe avec du miel (je ne suis pas sûre que ça soit très traditionnel, mais le riz épicé le matin, j'ai du mal...) En regardant les rickshaws et les passants passer...

rue principale Hampi
bar Hampi

Ce matin, partout dans les rues en terre ont fleuris les "kolams". Je sais enfin à quoi servent ces poudres de couleurs qu'on vend sur le marché !

poudres

Chaque maison a sa fleur sur son seuil. Agrémentée aujourd'hui de voeux de bonne année. C'est ravissant.

kolam

kolam

kolam

kolam

kolam

Rassasiée. Courage ! Je grimpe en haut de la colline qui surplombe le village et le temple. Là-haut, le site du Temple Hemakutan offre une vue magnifique et un ensemble de vestiges dont certains fort bien conservés, au milieu d'éboulis géants parfois.

Hemakutan

double deck temple

Parfois, une ouverture laisse entrevoir des bas-reliefs, dont certains ont été peints récemment, de toute évidence...

Hanuman

Et tout autour de Hanuman, le dieu-singe, ses descendants sont fort nombreux, et se chamaillent plutôt bruyamment. Je planque mon appareil photo, cette petite chose brillante pourrait leur faire envie, et je n'ai nulle envie de me disputer avec un singe ce matin. L'un d'entre eux s'enhardit même à venir tirer sur mon pantalon. J'ai beau savoir que les petites bêtes ne mangent pas les grosses, je prends la poudre d'escampette. (D'ailleurs, un peu plus tard, une des nombreuses vaches qui arpentent la rue principale viendra à son tour me donner une bourrade amicale de sa grosse tête, à la grande joie des enfants alentours.... C'est mon pantalon rose qui leur fait cet effet-là aux animaux aujourd'hui ? Ils ont pourtant l'habitude des couleurs vives ici...)

singe

Je redescends vers le village pour visiter le temple qui se trouve sur la colline opposée. Ce ne sera pas pour cette fois-ci : un tournage tout ce qu'il y a de Bollywoodien et d'historique se déroule dans ce décor superbe, à la grande joie des habitants de Hampi qui sont venus en nombre. Sur le plateau aussi, il y a un monde fou. J'ai beau être du métier, je ne peux imaginer à quoi servent tous ces gens ! D'ailleurs la plupart ont l'air de se tourner copieusement les pouces (ceci dit, sur un tournage en France, on a souvent la même impression... sans vouloir vexer personne). Un peu plus loin, au milieu des vaches, la "cantinière" du tournage profite du ruisseau pour laver sa vaisselle !

tournage

catering !

Avec Sandra, ma compagne anglaise de balade aujourd'hui, nous décidons donc que ce temple non visitable sera une parfaite raison pour revenir ici un jour. Sandra me dit cette jolie chose que je n'oublierai pas : quand on va dans un lieu qu'on aime, il faut toujours laisser quelque chose "undone" (non-fait, littéralement). Pour revenir....

Et puis nous avons déjà pas mal crapahuté sous le soleil. Direction le "Mango Tree", un peu en dehors du village, un restaurant dans les arbres, où nous dégustons un thali délicieux, assises sur des nattes à même le sol en regardant la rivière. Si l'on veut, on peut même faire de la balançoire : comme dans beaucoup d'endroits en Inde, il y en a une accrochée à un manguier géant, et l'on se balance au-dessus de la rivière ou presque....

Mango Tree restaurant

rivière Hampi

Un thali, c'est ça, un plat végétarien servi dans les temples pendant les fêtes hindoues. Du riz, des lentilles, du yaourt, des légumes divers et plus ou moins épicés, servis avec des chapatis :

thali

Après-midi paresseuse. On flâne. Tout au long de la journée, des mains ne cessent de se tendre vers nous : "Hello ! Happy new year ! What's your name ? Where do you come from ?". C'est comme ça tous les jours et partout, mais aujourd'hui plus encore. J'ai dû serrer des centaines de mains, répondre à des milliers de sourires....

Ce soir, dîner dans un petit restaurant aux lampions multicolores au coeur du village. A onze heures, coupure brutale du courant dans tout le village. Noir complet ! Un indien me raccompagnera jusqu'à la rue principale avec une torche. Après, une ou deux lampes-tempêtes posées ça et là dans les échoppes me serviront de repères pour ne pas trop me cogner dans les murs. Et mon téléphone portable, qui ne capte rien depuis des jours, me servira au moins une fois encore de lampe de poche pour me laver les dents... et rassembler mes affaires à 6 heures le lendemain matin au moment de rejoindre Males, électricité toujours pas revenue. Vérification au moins trois fois que je n'oublie pas mon passeport, mon billet d'avion, mes travellers. Le reste, rassemblé à tâtons ou presque, à la va-comme-je-te-pousse dans mes divers sacs. Ce n'est que deux ou trois heures après dans la voiture que je me rendrai compte que j'ai mis mes vêtements sens-dessus-dessous....

Au revoir Hampi. J'ai passé des heures merveilleuses ici et j'ai pris soin d'y laisser quelque chose "undone". Je reviendrai....

Hampi temple

- page 1 de 2